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Lorient – Lann-Bihoué

Collectif

On nous avait promis Mulhouse-Habsheim, et c’est finalement Lorient-Lann Bihoué, terrain majeur de l’Aéronautique navale…

À lire les premières pages du présent ouvrage, on est pour le moins surpris qu’il ait fallu attendre la fin des années trente pour que les édiles lorientais ― tout comme les responsables de la Marine Nationale ― envisagent l’aménagement d’un aérodrome à proximité de ce qui est alors un grand port de commerce et une importante base navale, cette dernière n’ayant seulement vu que l’aménagement d’une hydrobase à la fin de la Première Guerre mondiale.
Mais du souhait à la réalisation, il y a encore un long chemin, et la valse-hésitation qui s’installe entre la Chambre de Commerce et la Marine nationale ne permettra pas d’être allé plus loin que la construction d’un premier hangar lorsque les armées allemandes envahirent la Bretagne en juin 1940.

L’idée d’un terrain protégeant le port de Lorient doit traverser l’esprit de l’Occupant, car d’importants travaux débutent au printemps 1941, plus tôt que la vaste campagne de chantiers d’aérodromes lancée à travers toute la France occupée à l’automne suivant ; un an plus tard, les impératifs ont dû changer lorsque les travaux sont en grande partie achevés, car il faut attendre l’année 1943 pour voir les premières véritables unités s’installer sur une vaste plate-forme équipée de deux pistes bétonnées et de très nombreux hangars dispersés à sa périphérie, afin de tenter de faire baisser la pression que les Alliés exercent sur la navigation des sous-marins dans le golfe de Gascogne, et qui se fait de plus en plus forte. Comme nous l’avions signalé lors de la recension d’un précédent ouvrage consacré à l’aérodrome de Merville, on trouvera ici quelques informations pertinentes sur le passage de la Luftwaffe dans notre pays, prouvant une fois de plus combien une synthèse sur le sujet serait la bienvenue.

Une fois la région libérée ― les troupes allemandes se sont retranchées dans Lorient et ne se rendront que le 7 mai 1945, le terrain devient un camp de prisonniers pour quelques mois. On sait aujourd’hui que les Alliés se retrouvèrent au cours de l’été précédent devoir prendre en charge des dizaines de milliers de prisonniers allemands qui vécurent dans des conditions sanitaires extrêmement dures faisant un grand nombre de victimes, mais les rédacteurs de cet ouvrage auraient été inspirés de citer leurs sources lorsqu’ils écrivent que la « … vie n’y fut guère agréable […]. Cela selon les ordres des hautes instances de l’US Army visant à augmenter la mortalité parmi les prisonniers… » ! Si certains auteurs ont avancé des thèses volontairement polémistes sans apporter de preuves concluantes, on sait que le taux de mortalité parmi les prisonniers allemands fut en moyenne comparable à celui observé parmi les prisonniers français en Allemagne. Ce genre d’affirmation au coin d’une page, comme si c’était de notoriété publique, nous paraît très maladroite et même imprudente… surtout lorsque l’on sait que l’ouvrage a été préfacé par le Ministre de la Défense et par le Chef d’État-major de la Marine.

Après un nouveau pas de deux entre l’Armée de l’Air et l’Aéronautique navale, cette dernière prend logiquement le contrôle principal de ce qui n’a pas été détruit des installations au départ des troupes allemandes, et une bonne moitié de l’ouvrage nous livre la chronique largement illustrée des infrastructures mises à la disposition des unités qui seront stationnées sur la BAN jusqu’à nos jours. Les Anciens Aérodromes aiment bien les hangars et nous détaillent ici l’apparition de chaque bâtiment H1, H2, H3, etc. mais sans plan général de la plate-forme, cela ne présente guère qu’un intérêt limité.

Malgré l’importance de la base dans l’histoire de l’aviation navale dans notre pays, aucun ouvrage ne s’y était véritablement attaché jusqu’à présent, et ce travail n’est donc pas inutile. On regrettera cependant que les auteurs n’aient pas pris un peu de recul à propos de la période postérieure à 1945 ― comme ils l’on fait pour la période précédente, en replaçant l’activité de la BAN dans l’ensemble de l’histoire de l’Aéronautique navale. Peut-être faut-il y voir la conséquence d’une rédaction collective d’un texte qui aurait certainement gagné en cohérence et en style à n’avoir qu’un seul auteur.

On nous permettra de persister à nous demander si la parution sur papier de telles monographies est une bonne initiative, alors que l’un des principaux buts que s’est fixé l’association Anciens Aérodromes est de créer un vaste atlas des aérodromes français sur son site web, dans lequel atlas ce travail aurait à notre avis davantage sa place, lui offrant la possibilité d’être corrigé et modifié ultérieurement. Pour le prix modique de 10 €, nous laisserons au lecteur le soin de se faire sa propre opinion.

Pierre-François Mary


16 x 24 cm, 76 pages, broché
Préface de Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense
Avant-propos de l’amiral Bernard Rogel, Chef d’état-major de la marine.

Ce livret est publié avec le soutien de la Commission Mémoire de l’Aviation Civile..

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Association Anciens Aérodromes

ISBN 978-2-919572-03-8

10 €