L’intérêt pour l’architecture industrielle s’est considérablement développé au cours des vingt dernières années et il n’est pas surprenant que plusieurs installations aéronautiques aient attirées l’attention des historiens, comme cette usine implantée sur l’aérodrome de Châteauroux-Déols.
Si l’image des hangars entoilés Bessonneau est immanquablement associée à la Première Guerre mondiale, le conflit voit apparaître les premiers bâtiments aéronautiques en béton armé; la paix revenue, ils sont suivis par des structures beaucoup plus ambitieuses comme les célèbres hangars à dirigeables d’Orly, mais il faut attendre les années 1930 pour que les aérodromes français se couvrent d’architectures plus ou moins inspirées par le style « art-déco » et porteuses d’une symbolique affirmée. Malheureusement, la plus grande partie de ces constructions disparaissent rapidement sous les bombardement, les survivants devant souvent céder la place après la guerre à des bâtiments plus fonctionnels.
C’est donc à une sorte de miraculé que s’intéresse cet ouvrage de la collection « Images du Patrimoine ». Comme ce nom l’indique, il est largement illustré, mais les très nombreux plans, photographies et dessins d’architecture sont accompagnés de légendes détaillées abordant autant les caractéristiques esthétiques que fonctionnelles de chaque bâtiment.
Cette partie descriptive est complétée par une longue introduction dont il faut signaler la pertinence sur le plan purement aéronautique, probablement due pour une bonne part à la bibliographie sélectionnée par les auteurs, parmi laquelle on trouve des ouvrages remarqués, comme « Marcel Dassault, la légende d’un siècle » de Claude Carlier ou « Le Bloch 152 » de Serge Joanne.
On y découvre combien cet ensemble industriel est exceptionnel à bien de égards, fruit d’une longue amitié entre Marcel Bloch, avionneur passionné d’architecture d’un côté, et Georges Hennequin, architecte passionné d’aéronautique de l’autre. Qui plus est, comme pour d’autres usines construites dans le cas de la politique de décentralisation voulue par le Ministère de l’Air, les deux hommes peuvent travailler à partir d’une page blanche, avec le seul souci de la meilleure efficacité.
Si d’autres bâtiments font au même moment appel aux canons de l’architecture alors en vogue, aucun ne va aussi loin dans la mise en scène de cette sorte de mythologie aéronautique que l’on retrouve sur les affiches publicitaires ; loin d’être un exemple, l’usine de Déols est finalement davantage un cas d’espèce, une sorte de rêve. On notera d’ailleurs que par la suite, Marcel Bloch, devenu Marcel Dassault, reviendra à des ensembles industriels plus sobres, consacrant entièrement son goût des belles choses à concevoir des avions parmi les plus élégants de l’Histoire, du Mystère IV au Rafale, en passant par le Mystère 20.
On ne peut que se féliciter que les responsables économiques locaux aient choisi de conserver cet ensemble unique ; on regrettera seulement que cette magnifique cour centrale conçue par Georges Hennequin pour s’ouvrir sans obstacle sur la piste de l’aérodrome, de manière très symbolique, ait été obstruée maladroitement, à l’occasion de la réhabilitation du site, par une sorte de vaste plate-bande surélevée et arborée qui possède toute l’élégance d’un « arrêté préfectoral restreignant l’accès à »… autres temps, autres mœurs !
Pierre-François Mary
56 pages, 24 x 29 cm, 270 illustrations
– Ouvrage réalisé sous la direction de Christian Trézin, conservateur en chef du patrimoine
– Collection « Images du Patrimoine », n° 240
– Co-édité par AREP-Centre Éditions et les Éditions Lieux-Dits