En avril ne te découvre pas d’un fil, dit le dicton. A Vienne, en Autriche, l’exception confirmait la règle ce dimanche 6 avril 1924, aussi, en cette journée plus que printanière, madame Thérèse John décida de s’alléger un peu. Elle n’enleva pas que son survêtement, elle en profita pour faire apprécier son premier soleil au petit être qu’elle portait depuis neuf mois. Je quittai le confort du ventre maternel, un souffle d’air chaud me caressa et j’appréciai ma liberté. Elle me prénomma Otto Peter et j’héritai du nom de famille de mon père que je ne connus jamais : John. Je naquis sous les meilleurs auspices, le jour du départ, à Washington, du premier tour du monde aérien. Cette coïncidence constitue peut-être le signe qui déterminera mon avenir, mon goût pour les avions et le pilotage.
Le ton est donné dès la première page ! Avec la faconde et l’humour qui ne le lâcheront pas un instant, Otto Peter John entraîne le lecteur dans d’incroyables aventures.
Après des études décousues en Autriche et en Suisse, abandonné par sa « génitrice », Otto Peter est recueilli pas son oncle anversois. Le 10 mai 1940, la Belgique est envahie. Comme tant d’autres, le jeune homme prend le chemin de l’exil et découvre le goût de l’aventure et les premiers émois de l’adolescence. De retour en Belgique, en gamin frondeur, il décide d’entrer en résistance contre l’occupant. Quoi de plus facile que de verser du sucre dans les réservoirs des véhicules de la Wehrmacht ? Mal lui en prend car surpris en pleine action de sabotage, il n’a d’autres ressources que de fuir vers d’autres cieux qu’il croyait plus cléments. Sa route, émaillée d’épisodes tantôt cocasses, tantôt dramatiques, le mène en Suisse, terre d’accueil — croit-il. A défaut de papiers d’identité, il est remis aux autorités françaises. Engagé à l’insu de son plein gré dans la Légion française, il s’en échappe in extremis. Arrêté à nouveau, il se retrouve dans un camp des Chantiers du Maréchal. La discipline ne lui convient guère, pas plus que le matinal « Maréchal nous voilà » qu’il s’évertue à chanter à tue-tête au grand dam de ses supérieurs. Il s’échappe à nouveau, gagne l’Espagne, le Portugal et enfin l’Angleterre. De nouvelles aventures l’attendent. Manifestement, la tenue kaki de l’armée britannique ne lui sied pas. La tenue bleue de la RAF qui plaît tant aux filles sera la seule qu’il souhaite endosser.
Pilote est son destin, pilote il sera. De formations en entraînements, se pliant bon gré mal gré à la rigoureuse discipline britannique (moyennant quelques entorses plaisantes suivies de séjours disciplinaires), Otto Peter décroche enfin les ailes qu’il épingle fièrement sur son uniforme. Aux commandes de son Mosquito, il effectue ses premières missions au dessus de la France. Le temps de la « rigolade » est terminé, dit-il, lorsque les obus de la DCA allemande encadrent son appareil. Après de multiples raids de diversion dans le Pas-de-Calais, c’est dans le ciel de Normandie en juin 44 qu’il donne toute la mesure de ses talents de pilote.
La guerre terminée, de retour en Belgique, il est affecté à la Force aérienne belge comme pilote de Dakota. Cependant, attiré par un salaire plus élevé que celui de l’armée, il s’engage à la SABENA qui recrute des pilotes expérimentés. Il n’y reste pas longtemps, car la SABENA (ou la « Such A Bad Experience Never Again » désignation toute personnelle des initiales de la compagnie belge) ne répond à aucunes de ses attentes. De retour à la Force aérienne belge, il effectue de nombreuses missions, notamment au Congo belge. C’est là qu’il est approché par les services secrets israéliens. Il ne résiste pas à la proposition mirobolante : un contrat de dix mois comme pilote de DC-3 uniquement pour le transport de marchandises ou de matériel pour compte de la jeune nation d’Israël avec à la clé un salaire huit fois supérieur à celui de l’armée belge. Avec une telle somme, il pourrait enfin regarder son futur beau-père comme son égal.
De retour à la vie civile et un mariage trop souvent reporté, Otto Peter est engagé dans l’entreprise de son beau-père comme agent commercial en Autriche. Une nouvelle aventure l’y attend. Il est recruté par la CIA comme agent de renseignements se bornant à recueillir des informations dans les camps de réfugiés fuyant les régimes communistes. Une action humanitaire, croyait-il…
Plutôt qu’un SAS, un San-Antonio ou un James Bond, une lecture à déguster cet été à l’ombre d’un parasol ou cet hiver au coin du feu. Les amateurs de petites histoires qui font l’Histoire y trouveront également leur compte. Que ce soit la description du cycle de formation d’un pilote de la RAF, la préparation minutieuse d’une mission de guerre ou encore le récit des nombreuses rencontres avec les personnalités éminentes de l’époque.
Francis Deleu
250 pages, 14 x 21,5 cm, broché