À la charnière des années 70/80 sortirent, déjà chez Cépaduès, deux ouvrages monumentaux alors très attendus par leurs publics respectifs, les manuels des pilotes de vol à voile et d’avion.
En 1983, pour accompagner le mouvement ULM naissant, un Manuel du Pilote ULM les rejoignit. Il fut rédigé par un groupe de spécialistes de la discipline, de moniteurs du centre national de vol à voile et de pilotes d’essais. Cet amalgame lui conféra à la fois de grandes qualités dans la diversité, mais aussi une certaine hétérogénéité qu’il fallut corriger au fil des éditions. En voici la 11e, supervisée par Régis Le Maître.
Le paradoxe, avec l’ULM, c’est que si ces machines sont les plus simples parmi les aéronefs, leur répartition en de multiples sous-classes rend la rédaction d’un socle de connaissances commun plus complexe : il faut toujours prévoir les exceptions et les cas particuliers. L’adjonction au fil du temps de nouvelles classes, autogires, « aérostats légers » (les plus légers des plus légers que l’air…) et hélicoptères, n’a pas simplifié les choses.
Avertissons au passage le lecteur : si la 1re et la 4e de couvertures présentent, sous une apparence d’onglets, ces classes, en précisant « autogire » et « hélico », les voilures tournantes ne sont pas du tout évoquées par ce manuel, sauf pour conseiller la lecture d’autres ouvrages cités en référence. La démarche peut surprendre ; les aérostats légers ne sont pas abordés non plus, mais au moins ne sont-ils pas annoncés en couverture.
Étant donné la gymnastique imposée par ce vaste domaine (outre les classes, les particularités de l’ULM sont la possibilité d’emport d’un parachute global, le vol moteur coupé quelquefois, l’utilisation plus courante de pistes d’envol sommaires, la situation plus répandue de la propriété privée, avec comme corollaire la nécessité d’assurer le stockage, l’entretien, etc.), le résultat est plutôt satisfaisant. Les explications sont dans l’ensemble pertinentes, et la plupart des illustrations, très nombreuses, très explicites.
Toutefois, outre qu’il reste une impression diffuse de « multi-rédaction » parfois non coordonnée (redites ou contradictions), quelques points pourraient encore être améliorés. Les scientifiques seront interpellés par certains raccourcis « L’énergie produite par cette combustion […] se nomme mouvement alternatif. » (p.23) mais seront rassurés deux pages plus loin : « …dans les proportions stoechiométriques… » (l’élève peut-être moins). Ce dernier se creusera la tête avec, page 32, l’influence du cap dans l’attitude de l’ULM. Il risque de rester sur sa faim page 76 quand on lui parle de l’autorotation, sans lui dire comment on en sort. Il lui faudra zigzaguer un peu quand on lui présentera l’intégration pour l’atterrissage (p.96) avant de savoir s’installer à bord (p.98) ou avant la visite pré-vol (p.100). Il sera un peu perdu quand, après de nombreuses références à l’approche moteur réduit (p.130, 131, 132) on lui assène soudain le docte « plan à 5% » (p.136) cher à l’aviation professionnelle. Ou quand, page 137, on lui donne comme référence le « RPB » sans le lui expliquer, mais l’élève astucieux saura alors foncer dans le lexique de fin d’ouvrage pour être rassuré, ce n’était que le repère pare-brise. Et bien entendu p.118 quand il apprend que « L’altimètre est une sorte de baromètre gradué en pieds (ft) » suivi de « Exemple : à une hauteur de 300 m… ». Comme la suite de l’ouvrage lui fait rencontrer soit des pieds (réglementation aérienne), soit des mètres (performances) une définition élargie aux deux unités, et donc présentant les altimètres ET les altipieds, eût été préférable.
L’apprenti-pilote sera également déboussolé quand le chapitre 8 s’intitule « L’ULM et l’espace aérien » pour lui parler de prudence vis-à-vis des orages, de la gestion de l’autonomie, du choix d’un terrain de secours…) après un chapitre 7 déjà consacré à la prévention et à la gestion de la panne…
En résumé ce guide du pilote est un bon outil de formation, mais il ne peut pas se dispenser de l’apport complémentaire des explications d’un instructeur. Il est de ce fait doublement démonstratif : du vaste domaine de ce qu’il faut savoir pour piloter un ULM d’une part, et de l’irremplaçable nécessité d’un véritable enseignement, de l’autre. Et il le fait très bien.
Jean-Noël Violette
348 pages, 21 x 29,7 cm, couverture souple
0,925 kg