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Maurice Boyau

Le Dacquois
Une légende
Gérard Laborde

Si le cycliste et pionnier de l’aviation Roland Garros n’a jamais joué au tennis — bien que le stade de tennis parisien porte son nom, le stade de rugby de Dax rappelle que l’As aux 35 victoires aériennes homologuées Maurice Boyau fut bien un rugbyman international avant la Première Guerre mondiale. Et c’est bien dans un contexte historique essentiellement local – dans un Sud-Ouest où le rugby est roi — qu’il convient d’aborder le travail de Gérard Laborde.

Il ne fait aucun doute qu’au début de XXe siècle — où l’essor des pratiques sportives n’est pas exempt d’arrières pensées orientées vers de futurs combats fratricides — Maurice Boyau présente d’étonnantes aptitudes physiques à différentes disciplines. En 1907, à 19 ans, il devient capitaine du Sport Athlétique Bordelais. Appelé au service militaire deux années plus tard, il manque de peu de prendre son baptême de l’air sur l’appareil Voisin piloté par Bielovucic, époque probable de son intérêt pour l’aviation. Libéré de ses obligations militaires, il devient capitaine du Stade Bordelais (SBUC), retenu pour former l’équipe de France et participer au Tournoi des V nations en 1912. Conducteur du train au début de la guerre, il fait jouer ses appuis et intègre la « cinquième arme » naissante, suit un stage de perfectionnement à l’école de chasse de Pau, mais doit ronger son frein en servant tout d’abord comme moniteur à l’école de Buc en 1916 : (p.60) « L’année 1916 est aussi celle où les pratiques sportives qui s’étaient arrêtées avec le début des hostilités, vont reprendre sous l’égide des autorités militaires. Devant la guerre qui s’éternise, et afin de préparer les plus jeunes aux combats futurs et d’entretenir physiquement les soldats pour les rendre plus performants, elles décident d’encourager les sports, car comme le rappelle le journal « La vie au grand air » du 15 juin 1916, « il est à remarquer que c’est parmi les sportifs que se sont rencontrés les meilleurs soldats : ils ignorent la fatigue, la défaillance ; ils possèdent de l’énergie, du sang-froid et de la présence d’esprit ». Affecté à la N77, « l’escadrille des sportifs » (p.63 dont « l’insigne de l’escadrille « Triangle d’azur à une croix potencée d’or » due au capitaine de Lhermitte est toujours présente de nos jours sur l’empennage de certains appareils de notre aviation de guerre [sic]. » Malgré la guerre et les premières victoires, le rugby n’est jamais loin, les traditionnelles secondes mi-temps viriles et arrosées non plus, mais la mort prélève son tribut sur ses camarades, sportifs ou pas. Le 16 septembre, elle le rattrape à son tour près de Pont-à-Mousson : il est alors titulaire de 35 victoires aériennes confirmées (21 ballons et 14 appareils adverses).

Nous aurions beaucoup apprécié cette biographie sans les incessants rappels dithyrambiques de l’auteur sur le courage, la ténacité et maintes autres qualités morales et physiques de Maurice Boyau. Entendons-nous bien : il n’est absolument pas question de les remettre en cause ! Simplement, les écrits d’après-guerre, sous la plume de Jacques Mortane dans « La guerre aérienne illustrée », ou encore de Gilbert Sardier ou Henri Decoin, abondamment utilisés ici, n’appellent pas à notre sens moderne une paraphrase constante, laquelle évacuerait de surcroît les travaux d’érudits ou de passionnés d’aviation de la Première Guerre mondiale publiés sur des pages virtuelles. Il est vrai que Gérard Laborde prévient d’emblée (p.11) que « le lecteur pourra s’étonner de trouver des informations pouvant infirmer un certain nombre d’éléments contenus dans des articles de journaux ou de revues ou même sur certains sites du web ». Ainsi, point de noblesse sur la « toile » ! Hors les panégyriques surannés de Jacques Mortane et les citations à l’ordre de l’armée, point de salut ! Du moins aurais-je appris grâce à une célèbre encyclopédie du web qui était cet « aviateur Bielovucic » dont le livre ne donne même pas le prénom !

On ne peut raisonnablement pas résumer la vérité d’un homme à ses seuls palmarès sportifs ou guerriers et l’ouvrage de Gérard Laborde permet simplement d’expliquer brièvement aux Dacquois qui est cet aviateur dont la statue se trouve à l’entrée de leur stade. Mais comme nous pratiquons nous-même le sport comme une hygiène de vie, un dépassement de soi et non comme une confrontation perpétuelle aux autres, nous avons eu avec cette lecture matière à disserter sur les sempiternelles ressemblances entre certaines dynamiques sportives et leurs équivalents guerriers, ainsi formulés par George Orwell : « Pratiqué avec sérieux, le sport n’a rien à voir avec le fair-play. Il déborde de jalousie haineuse, de bestialité, du mépris de toute règle, de plaisir sadique et de violence. En d’autres mots, c’est la guerre, les fusils en moins ». Ou pour paraphraser Clausewitz, le sport ne serait-il pas un moyen de continuer la guerre par d’autres moyens ? (…où l’on se prend à rêver que les hymnes nationaux soient bannis des stades…)

Georges-Didier Rohrbacher


147 pages, 16 x 24 cm, broché

En bref

Gérard Laborde autoéditeur

ISBN 2-9510061-3-6

12 €