Jacqueline Carpine-Lancre n’est pas une spécialiste de l’aéronautique, mais le livre qu’elle vient d’autoéditer est un outil précieux pour tous ceux qui s’intéressent à l’Histoire des voilures tournantes.
Il se trouve que Madame Carpine-Lancre est historienne, et que ses activités professionnelles au Musée océanographique de Monaco l’ont conduite à s’intéresser de près aux fonds d’archives détenus par cette institution. C’est ainsi qu’elle a découvert l’Histoire monégasque de Maurice Léger, qui concerne pour une bonne part la conception et la réalisation de deux hélicoptères entre 1901 et 1907.
Jeune ingénieur centralien, Maurice Léger est embauché par la Société des Bains de Mer de Monaco en 1899. C’est ainsi qu’il va travailler avec le docteur Richard, directeur du futur musée océanographique, conseiller scientifique auprès du prince Albert 1er. Mais Maurice Léger a une sorte de jardin secret, qui va vite prendre de l’ampleur : il rêve de réaliser une machine volante, et plus précisément un hélicoptère… Il va aller au bout de son rêve, mais l’aventure, en bien des points exceptionnelle, s’achèvera à la fin du printemps de 1907.
L’Histoire des aéronefs à voilure tournante avait presque oublié Maurice Léger : relative discrétion de ses travaux, difficulté d’accès aux fonds, manque d’intérêt pour une machine dont on n’avait guère retenu que l’accident qui a conclu sa courte carrière, et la cessation des aides dont bénéficiait son constructeur… Bref : il a effectivement fallu la détermination d’une historienne, et le cadre offert par le centenaire des premiers décollages, pour qu’il rejoigne Louis Breguet et Paul Cornu au premier rang de nos pionniers. Et qu’enfin l’on sache que le premier hélicoptère qui a décollé avec son pilote était l’œuvre de Maurice Léger.
Certes, le titre n’est pas ronflant, et la présentation, au demeurant très acceptable, n’est pas luxueuse… Mais on découvre dans ces pages une relation complète, et passionnante, des travaux oubliés d’un ingénieur talentueux. Au-delà de la compilation méthodique des sources, à la lecture des lettres de l’époque, à l’examen des photographies et des autres documents, c’est un privilège rare qui est donné au lecteur : celui de découvrir par l’intérieur, presque jour par jour, une histoire unique, comme elles le sont toutes, et d’approcher, de mieux comprendre…
Un colloque tenu à la fin de 2007 a permis de démontrer un certain nombre de choses que l’on subodorait : les hélicoptères de 1907 n’ont pas volé, mais se sont soulevés brièvement du sol. N’empêche… Maurice Léger, Louis Breguet et Paul Cornu ont offert au monde une réalité. Trois appareils très différents, conçus et essayés par trois hommes qui ne se connaissaient pas, ont réalisé la même année des performances comparables… Quel meilleur encouragement, pour ceux qui voulaient croire à la voilure tournante !
Alors que cette année de l’hélicoptère a vu paraître des ouvrages parés de titres somptueux, mais de contenu décevant, le travail de Madame Carpine-Lancre vient conclure dignement les célébrations ouvertes avec le remarquable ouvrage de Bernard Bombeau. Le livre définitif sur les hélicoptères de Maurice Léger existe, enfin…
Philippe Boulay
112 pages, 24 x 32 cm, couverture souple
– Préface de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco