Les « Mémoires » suivies du « Journal de Guerre » de Roland Garros avaient fait l’objet d’une édition chez Phébus en 2017. Ce livre vous est désormais proposé en format « poche » chez Points à un prix défiant toute concurrence (8,10 €).
L’histoire du manuscrit de ces souvenirs est presque un roman à elle seule ! Écrits pendant la captivité du pilote français, ces pages restent en Allemagne quand il réussit enfin à fausser compagnie à ses geôliers en compagnie du lieutenant Marchal.
Après la fin de la guerre, Jean Ajalbert, conservateur du château de la Malmaison et ami du père de Roland Garros, finit par convaincre ceux qui détenaient les effets de Garros de les renvoyer en France, parmi lesquels il découvrit ce manuscrit.
Plusieurs copies du manuscrit furent réalisées, dont une qui aboutit au Musée de l’Air, mais il fallut encore attendre plusieurs années après la Seconde Guerre mondiale pour le voir publié par Jacques Quellenec, condisciple de Garros sur les bancs de l’école des Hautes Études Commerciales; malheureusement, comme l’écrit Jean-Pierre Lefèvre-Garros dans la préface, cette version avait gommé les « passages drôles ainsi que les anecdotes sympathiques », souhaitant probablement donner du pilote une image de héros parfait.
Cette nouvelle édition intégrale est donc la bienvenue, nous apportant un témoignage précieux et rare sur une époque qui n’est certainement pas aussi bien connue que l’on pourrait l’imaginer. Comme l’écrit Philippe Forrest dans sa préface, davantage qu’un document, ces Mémoires sont un roman vrai. Certains lecteurs seront peut-être déçus de pas y trouver plus de réflexions sur le passé (comme c’est souvent le cas dans les mémoires), mais l’auteur du Siècle des Nuages a vu juste : placé dans des conditions de détention difficiles après de nombreuses tentatives d’évasion, Garros dut certainement écrire vite, au fur et à mesure des souvenirs, le récit d’une vie qui ne s’arrête jamais, allant de meetings en courses depuis ses premiers vols jusqu’au début de la Grande Guerre.
On lira avec un intérêt particulier les souvenirs se rapportant au séjour de Garros aux États-Unis avec le « Cirque Moisant », une aventure qui l’emmènera jusqu’au Mexique au milieu de la révolution qui secouait ce pays, en compagnie de pilotes malheureusement trop souvent oubliés aujourd’hui comme René Simon, l’un des créateurs quelques années plus tard du programme d’instruction à la voltige appliquée au combat aérien dispensé aux élèves de l’école de pilotage de Pau.
Comme si ces Mémoires ne suffisaient pas, ils ont été complétés ici par un autre inédit, le Journal de Guerre de Roland Garros, qui fait suite chronologiquement au premier, bien qu’il ait été écrit auparavant au jour le jour. Beaucoup plus court, il n’en est pas moins précieux ; on sait que les témoignages laissés par les pilotes de la Grande Guerre sont peu nombreux, en particulier pour les premiers mois de la guerre, du simple fait du nombre réduit d’aviateurs que comptait alors l’aéronautique militaire française !
L’ouvrage, dont il faut saluer la mise en page élégante, contient quelques illustrations de bonne qualité, placées hors texte. Nul doute qu’il devienne presque immédiatement un classique.
Pierre-François Mary
– Éditions Phébus : 448 pages, 14 x 20,5 cm, broché, 0,250 kg
– Éditions Points: 504 pages, 10,8 × 17,9 cm, broché, 0,250 kg
NDLE : Une version incomplète, maladroitement amputée de quantité de passages qui font le « sel » de l’ouvrage, avait été publiée en 1966 chez Hachette (Éditeur)