« Mermoz, encore ? » C’est la réflexion qu’a pu inspirer la parution de ce livre. Et pourtant…
Voici un ouvrage d’aspect modeste qui tranche de façon significative avec nombre de ses prédécesseurs : l’auteur ne se limite pas à la perpétuation de la chanson de geste que publia Joseph Kessel en 1938. Certes, on voit mal quelles nouvelles archives Michel Faucheux aurait pu exploiter. Il n’empêche, depuis quelques décennies, un vent nouveau a soufflé sur l’histoire de Jean Mermoz, et l’auteur a su en tenir compte. S’il n’a pas oublié les « grands anciens », les Kessel, Mortane et Fleury, il a su prendre en compte des études bien plus récentes et moins empreintes de sentimentalisme, puisant avec discernement les éléments les plus saillants dans l’abondante bibliographie qu’il nous présente en fin d’ouvrage.
C’est est fini des « Coupons moteur arrière droit » : Faucheux est aller jusqu’à chercher d’importants détails dans l’étude de Gérard Bousquet Les paquebots volants, de même qu’ayant visiblement bien compris Les secrets de l’Aéropostale de Guillemette de Bure, il ne ressasse pas les sempiternelles fredaines sur la compagnie de Marcel Bouilloux-Lafont. Il a visiblement décortiqué les courriers que Jean Mermoz adressa à sa mère, correspondance exhumée et commentée par l’excellent Bernard Marck.
Bref, cette mise en bouche pourrait donner au lecteur l’impression fausse que Michel Faucheux n’a fait que compiler d’autres écrits ; ce serait une erreur grossière. Si son ouvrage relève davantage du travail de synthèse que de l’investigation à partir de sources primaires, l’auteur y instille sa compréhension des faits et des hommes, triant avec discernement dans le volumineux matériau que nous ont laissé tant d’auteurs. Les amateurs éclairés remarqueront dans la bibliographie des ouvrages dont il est évident que Michel Faucheux les a consultés pour mieux comprendre combien leurs auteurs avaient pu se fourvoyer.
C’est donc un Mermoz « revisité », plus humain, moins « mythique » que nous propose Michel Faucheux, sous une plume agréable. Pour modeste qu’il soit, ce livre est le témoin d’un tournant décisif : depuis quelques années, on ne peut plus écrire de la même manière sur la ligne de l’Atlantique Sud et ses acteurs. Nous le recommandons chaudement, en alternative avec le « pavé » de près de 600 pages signé Bernard Marck, Il était une foi Mermoz. On juge parfois un livre à ses annexes ; celles-ci sont fournies, avec des repères chronologiques, des références bibliographiques et les indispensables notes (que l’on aurait préféré en bas de page).
Voilà donc un livre bien structuré, équilibré, où l’auteur entrecoupe son texte de façon pertinente avec des nombreux extraits ou citations, ne s’appropriant jamais le travail de ses prédécesseurs. On pourrait considérer que ce livre réussi aurait peut-être mérité d’être publié dans une collection plus prestigieuse, mais sa présence au catalogue de chez Folio, à un prix très abordable, lui garantit une vaste diffusion. N’est-ce pas ce que l’on peut lui souhaiter de mieux ? Livre destiné au « grand public » ? Certainement. Mais qui conviendra également aux amateurs éclairés qui souhaiteraient remettre à jour leurs connaissances de l’histoire des ailes françaises.
Philippe Ballarini
304 pages, 10,8 x 17,8 cm, broché
cahier photos 8 pages