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Michelin et l’aviation

1896 – 1945
Patriotisme industriel et innovation
Antoine Champeaux

Issu d’une thèse de doctorat d’histoire, le livre d’Antoine Champeaux (par ailleurs officier et conservateur du musée des troupes de Marine à Fréjus) propose une approche des débuts de l’aviation au travers du prisme particulier d’une entreprise industrielle : Michelin.

De 1896 à la Seconde Guerre mondiale, ce nom apparaît en effet à presque tous les moments clefs de l‘histoire de l‘aviation française, grâce en grande partie aux personnalités de ses deux patrons André (1853-1931) et Édouard (1859-1940) Michelin, membres influents de l’Aéroclub de France, mécènes des débuts de l’aviation militaire et industriels imaginatifs. Car en réalité, ce n’est pas uniquement l’histoire d’une entreprise qu‘on suit ici, mais plutôt l’évolution de la pensée de deux hommes (André Michelin surtout). Vivement intéressés par l’aéronautique (en particulier sous ses aspects militaires), les frères Michelin ne sont pas restés étrangers à la toute nouvelle locomotion aérienne (et à ce qu’elle représentait comme nouvelle arme). S’ils travaillèrent bien logiquement à la création de pneumatiques pour aéroplanes, ils firent aménager à Aulnat la première piste d’aviation « en dur » au monde. Parmi les prix généreusement dotés dont ils furent les créateurs, on notera le Prix de l’Aéro-cible (1912), directement lié à la pratique du bombardement aérien. Michelin, constructeur aéronautique ? Ce fut bien le cas pendant la Grande Guerre, où sortirent des ateliers de Clermont-Ferrand plus de 1800 appareils Breguet-Michelin à moteur Renault, construits selon les préceptes du taylorisme. Michelin et l’aviation, c’est donc une histoire moins anecdotique qu’il y paraîtrait.

On peut cependant regretter qu’à plusieurs reprises, le contexte général soit négligé, ce qui de fait n’éclaire pas toujours les véritables motivations des Michelin et donne le sentiment qu’ils auraient à peu prêt tout inventé avant tout le monde, alors qu’ils n’étaient souvent que des porteurs d’idées. On découvre en effet assez rapidement le nationalisme agressif (et non pas patriotisme) d’André Michelin vis à vis d‘une Allemagne dont il aurait été bon de rappeler la situation réelle aux moments où celui-ci, entre 1919 et 1925, parlait dans ses conférences de “menace“ et de “danger“. Un rappel du travail de rapprochement entrepris par Aristide Briand aurait autrement éclairé les positions de l’industriel, et sans doute davantage explicité les liens des frères Michelin avec l’extrême droite française de l‘entre deux-guerres, notamment avec des personnalité comme La Rocque, Lyautey mais aussi avec la Cagoule, dont ils ont été parmi les financiers et dont l’un des chefs était le général Duseigneur, justement officier d’aviation ! De même, on peut regretter que les bénéfices (notamment de guerre) de l’entreprise soient totalement absents de l’ouvrage, comme si ces industriels n’avaient travaillé que pour le bien de la France.

L’ouvrage est pourtant particulièrement intéressant dans l’étude qu’il fait du rôle d’une des plus importantes entreprises françaises de la première moitié du XXe siècle, et des relations de ses patrons avec les milieux militaires et politiques français, ce qui rarement abordé par la littérature aéronautique plus traditionnelle ; sur quoi il s’agit là d’une source particulièrement utile voire nécessaire.

Thierry Le Roy


(224 pages, format 14,8 x 21 cm, broché)

En bref

Éditions Lavauzelle

ISBN : 2-7025-1301-8

30 €