Ce film dispose d’un atout intéressant : celui de permettre, tant à l’amateur avisé qu’au spécialiste chevronné, de jouer au jeu des N erreurs. Pour éviter de faire perdre de l’intérêt à ce spectacle, nous n’en établirons pas la liste.
Cela démarre pourtant plutôt bien, Roland Emmerich annonçant qu’il se fixait comme objectif de « décrire les événements qui ont conduit à la plus grande bataille navale de l’histoire des États-Unis. » La discussion entre Edwin Thomas Layton, alors adjoint à l’attaché naval américain, et l’amiral Yamamoto, est éclairante et pose bien la question du quasi-inévitable affrontement entre l’Empire du Soleil Levant et les USA. L’apparition du porte-avions USS Enterprise en mer le 7 décembre 1941 est convaincante, mais hélas cela se gâte très vite. L’attaque de Pearl Harbor ressemble à des scènes de jeu vidéo, avec toutes ses outrances et ses invraisemblances, et en prime toutes les (mauvaises) ficelles mélodramatiques que l’on peut imaginer.
Des Mitsubishi A6M2 Zero qui se faufilent entre les coques des cuirassés au mouillage, est-ce bien raisonnable ?
Avec l’aimable autorisation des © Metropolitan Filmexport
Ceci étant, ramener ce film à un navet serait injuste. La trame qui mène à la bataille de Midway est historiquement respectée, avec les inévitables libertés et incises romantico-sentimentales classiques au cinéma américain. Tout cela manque singulièrement de finesse, mais à tout prendre, si l’on se contente de considérer le Midway de Roland Emmerich comme un simple film de guerre, pourquoi pas ?
Les SBD Dautless sont très convaincants, mais on ne voit quasiment qu’eux dans ce film (hormis les B-25 Mitchell de Doolittle).
Pas de F4F Wildcat, ni de F2A Buffalo, de TBF Avenger, de SB2U Vindicator, de TBD Devastator…
Avec l’aimable autorisation des © Metropolitan Filmexport
Le parallèle avec La bataille de Midway de Jack Smight (1976) est inévitable. Ce dernier a été tourné sans les moyens techniques informatiques de 2019. Pas question d’images de synthèse : on fit appel à des images d’époque insérées sans le film. Mais surtout, Jack Smith fit démarrer son film avec le raid de Doolittle sur Tokyo, faisant l’impasse sur Pearl Harbor et évitant les déluges d’explosions, certes spectaculaires mais le plus souvent peu conformes à la réalité. Cependant, la trame des deux films n’est pas tout à fait la même : celui de Smight se concentre sur le déroulement de la bataille, tandis que celui d’Emmerich retrace l’ensemble du parcours qui mène de Pearl Harbor à Midway. Bref, comme disait Christian-Jacques Ehrengardt, ce film n’est nippon ni mauvais. Et si l’on veut bien fermer les yeux sur ses scories, ce Midway permettra aux moins regardants de passer un peu plus de deux heures devant un film de guerre des plus classiques, mais déroulant effectivement, comme le voulait Roland Emmerich, le cheminement qui mena à cet important tournant de la Guerre du Pacifique que fut cette étonnante bataille navale. Étonnante, car pour la première fois, les marins d’un bord ou de l’autre ne virent pas les bâtiments ennemis. Pour la « vraie » histoire, un film n’étant pas un documentaire, nous vous renvoyons à vos périodiques préférés et leurs hors-série, Avions, Batailles Aériennes, Aéro-Journal, Fana de l’Aviation…
Philippe Ballarini
DVD Zone 2 – 2 h 19