Parution le 21 novembre 2024
Impressionnant ! C’est le premier mot qui vient à l’esprit quand on touche pour la première fois cette nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée du Docavia consacré au Mirage IV par Hervé Beaumont. Il est épais et lourd. Il n’est jamais anodin de tenir dans ses mains un ouvrage de près de 4 kg et demi, d’une épaisseur de 6 cm. Et il est toujours fascinant de constater qu’un auteur a eu besoin de 750 pages pour couvrir son sujet.
Ce livre est peut-être le fruit d’une trentaine d’années de recherches autour du vecteur nucléaire des Forces Aériennes Stratégiques, sans doute plus. En 2003, lorsqu’est paru le Docavia n°47 et sa spectaculaire couverture rouge, l’ouvrage avait déjà impressionné. Il n’était pas le premier à aborder l’histoire du biréacteur Mirage IV ni les FAS, Alexandre Paringaux et les Éditions Zéphyr avaient aussi couvert le sujet, mais ce nouvel ouvrage était une synthèse difficile à mettre en défaut et ce, d’autant plus que le Mirage était encore en service et donc toujours soumis au secret qui est imposé à tout ce qui touche, de près ou de loin, la dissuasion nucléaire française. Deux ans plus tard, en 2005, les derniers Mirage IVP étaient mis à la retraite. Il manquait donc un dernier chapitre au Docavia de 2003.
Ce n’est que 20 ans plus tard qu’on a commencé à entendre parler de cette réédition. Le temps à l’auteur de se consacrer à d’autres sujets guère éloignés néanmoins, d’autres formats, d’autres publics. Simple réédition voire réimpression ? Un peu des deux. L’articulation du livre est préservée et une grande partie de l’architecture du texte a été conservée. Néanmoins de nombreuses retouches sont présentes, des précisions, des corrections. La mise en page a sensiblement changé et semble plus aérée. Et bien sûr, un long chapitre relate la fin de service de l’appareil et des annexes nous offrent le sort final de l’ensemble des avions produits, la liste des accidents graves et la liste des équipages perdus, bien d’autres choses encore.
Encore une fois, difficile de prendre l’auteur en défaut sur son sujet, rien ne semble manquer pour raconter à la fois le Mirage IV mais aussi les contextes qui l’ont fait évoluer dans sa doctrine et dans ses missions, de la frappe nucléaire stratégique à la reconnaissance supersonique. Très introduit auprès des « anciens », l’auteur a recueilli d’innombrables témoignages qui éclairent cette histoire tout particulièrement. Sur le fond, nous sommes bien en présence d’une somme, d’un ouvrage réussissant à couvrir un sujet complexe de façon quasi-exhaustive.
Alors, ce livre est-il un candidat de plus aux très rares coups de cœur des aérobibliothécaires ? Pas forcément !
Parce que la quantité astronomique de photos publiées dans ce livre font que certaines sont vraiment petites. Non pas qu’elle en soient réduites à la taille d’un timbre-poste, tels qu’on a pu voir sur d’autres ouvrages pourtant ambitieux, mais sur certaines il est difficile de comprendre le détail qui la différencie de celles qui l’entourent parfois.
L’autre point est que, par son format impressionnant l’ouvrage en devient peu maniable voire même difficile à compulser vu son poids, sa taille, avec de vraies inquiétudes concernant la solidité de sa reliure cousue, forcément très sollicitée. On s’interroge. N’aurait-il pas été plus pratique de refondre ce livre en deux volumes distincts ? Son découpage n’aurait pas rendu la tâche facile à l’éditeur, reconnaissons-le. Alors, ce livre est riche mais gros, peut-être encombrant et peu pratique finalement.
Mais, en juin 2024, alors que l’auteur avait rendu ses derniers textes, fourni les dernières images, la maladie a fini par l’emporter. Il n’a donc pas pu suivre la finalisation de son œuvre ni tenir cet ouvrage exceptionnel entre ses mains. Et ce n’est qu’avec un léger retard que l’ouvrage paraît. Lorsqu’on l’ouvre pour la première fois, il est difficile de ne pas y penser. C’est un ouvrage posthume, pas le premier, hélas, que nous présentons ici mais l’un des plus touchants, aussi.
En raison de son prix élevé – néanmoins justifié par son format et sa pagination – cet ouvrage se destine aux passionnés d’aviation militaire française contemporaine, aux amoureux des avions delta signés Dassault et au bibliophiles amateurs d’ouvrages aéronautiques exceptionnels, car c’est un livre vraiment particulier. Son histoire est également peu commune. Indéniablement c’est une réussite spectaculaire et lorsqu’on le referme, c’est toujours ce même mot qui s’impose. Impressionnant !
Frédéric Marsaly
- Format : 32 x 24 cm, 754 pages, reliure dos cousu, couverture cartonnée.
- poids : 4,473 kg