Pilote de chasse de nuit dans la Luftwaffe et encore tourmenté par plusieurs années d’une terrible guerre, Peter Spoden désirait faire comprendre à ses petits-enfants ce que fut sa vie pendant les années sombres du régime nazi. C’est ainsi qu’il nous a laissé ce remarquable récit.
Remarquable car plus qu’une simple et banale description de combats ou d’exploits aériens, ou encore une étude sur le fonctionnement de la chasse de nuit allemande, ce récit est une profonde réflexion sur les motivations d’un jeune homme passionné par le vol, sans grande conviction politique mais résolument patriote, pris comme toute une génération dans l’engrenage d’une guerre sans issue, sinon celle de la défaite, mais déterminé à défendre son pays.
Son histoire est dans un premier temps celle d’un adolescent qui a vécu avec une certaine insouciance la montée du nazisme après des années de frustrations et de privations suite au traité de Versailles. Puis c’est l’ouverture des hostilités, des classes militaires difficiles mais encore très loin de la guerre, un long et intéressant cursus d’apprentissage avec au final un brusque et dur retour à la réalité avant d’intégrer enfin une escadre de chasse de nuit courant 1943, après plus de 2 ans de formation !
De la faillite de la ligne Kammhuber et ses « baldaquins » aux derniers combats menés avec l’énergie du désespoir dans une Allemagne chaotique, Peter Spoden nous fait alors découvrir grâce à ses souvenirs, ses documents personnels et quelques belles anecdotes, la vie quotidienne de ces pilotes faces aux flux de bombardiers de la RAF et à une chasse nocturne britannique omniprésente.
Il insiste aussi sur sa colère et son sentiment d’impuissance et d’horreur, voire parfois d’incompréhension, face à cette escalade de violence qui entraînera la destruction de nombreuses villes allemandes. De tout cela on retirera un mot : gâchis. Le gâchis de ces centaines de milliers de civils morts sous les bombes en Europe ou en Asie, le gâchis de ces jeunes hommes auxquels il a ôté la vie, le gâchis de presque toute cette génération perdue qui aurait pu peut être tant faire pour notre civilisation. Et c’est sans doute avec une grande fierté, mêlée de soulagement, qu’il parviendra dans les ultimes jours de la guerre à en éviter un dernier aux hommes dont il avait le commandement.
Les témoignages des anciens pilotes de la Luftwaffe sont relativement rares, et le seront encore davantage puisque les quelques survivants ont maintenant tous un âge avancé. On ne peut donc que conseiller celui de cet homme intelligent et plein d’humanité, et se réjouir qu’il ait été (fort bien) traduit en français.
Stéphane Lehuédé
Traduit de l’allemand par Michèle Levert
– Titre original : Ich war Nachtjäger in Görings Luftwaffe
200 pages, 16 x 23 cm, couverture souple