C’est en 1918 que Pierre-Georges Latécoère, industriel toulousain, qui venait de recevoir une commande de sous-traitance d’avions Salmson, lança l’édification de son usine à Montaudran. Là sont nées les Lignes Latécoère puis Aéropostale au travers de l’Espagne, vers l’Afrique occidentale et enfin l’Amérique du sud. Mais devant les problèmes financiers, la compagnie finit par être fusionnée à d’autres dans la nouvelle société Air-France en 1933, et après cette date, le site de Toulouse est davantage marginalisé dans l’organigramme de la compagnie nationale.
Au travers du livre, on suit également les hésitations des années 1940 et surtout le difficile redémarrage de 1944, sur fond de règlements de comptes politiques. On assiste aussi à la mise en place du comité d’établissement et les réalisations sociales de l‘après-guerre. Dès le début des années 1950 pourtant, l’ombre des licenciements plane à nouveau sur le site, laquelle revient ensuite régulièrement jusqu’au déplacement définitif des personnels vers l’aérodrome de Toulouse-Blagnac le 22 décembre 2004, laissant pourtant place à une volonté de sauvegarder le patrimoine industriel et la mémoire historique d’un des plus hauts-lieux de l’histoire de l’aviation française. Et c’est cette volonté qui a abouti au projet Aerospace Valley, regroupant côte à côte la mémoire collective et la recherche de pointe au sein d’un campus qui devrait réunir les plus prestigieuses écoles d’aéronautique.
En fait, l’ouvrage de Maurice Berlan comporte deux livres en un. Une première partie de six chapitres présente de manière plus ou moins anecdotique l’histoire générale des Lignes Latécoère et de l’Aéropostale jusqu’à la création d’Air France. Les connaisseurs de l’histoire de l’aviation n’y apprendront pas grand chose, car l’auteur s’est contenté de piocher dans des publications antérieures. Certes, ces chapitres peuvent apparaître nécessaires à certains, mais l’auteur aurait pu les alléger en se passant des digressions sur des aspects éloignés du thème du livre, comme l’invention de l’avion au XIXe siècle ou les biographies intégrales des personnes cités. Il faut donc attendre la moitié du livre pour entrer dans le vif du sujet, à savoir les hommes et les ateliers de Montaudran, à partir de témoignages recueillis par l’auteur et de documents de l’entreprise Air France.
L’auteur n’est jamais aussi intéressant que lorsqu’il aborde ces questions sociales, qu’il connaît bien, ayant été entre les années 1950 et jusqu’à sa retraite, délégué syndical au Comité d’établissement. Mais là encore, on retrouve les faiblesses des chapitres précédents, à savoir la reprise in extenso de documents, mêlés à des biographies et à des témoignages. La lecture en est d’autant plus difficile car décousue. Et c’est dommage, car le sujet du livre en fait malgré tout une source pour le lecteur intéressé par l’histoire industrielle et sociale, et pas uniquement pour le passionné d’aviation.
Thierry Le Roy
384 pages, 150 x 240 mm, couverture souple