S’il a toujours été aisé de déterminer quelles ont été les unités de chasse qui peuvent entrer dans le monde des élites, ne serait-ce en prenant en compte leur palmarès, c’est en revanche plus difficile de le faire pour les unités de bombardement, car les critères de sélection deviennent alors plus subjectifs.
Osprey nous propose pourtant l’histoire du N°617 Squadron, unité de bombardement un peu spéciale du Bomber Command. C’était une unité secrète par définition, puisqu’elle fut créée sous l’appellation de Squadron X, avec comme mission de détruire les barrages de la Ruhr avec les fameuses mines Upkeep. Ayant peur d’attirer un peu trop l’attention avec une telle dénomination, le numéro 617 fut vite attribué au Squadron X, placé sous le commandement du charismatique Guy Gibson. Les cinquante premières pages relatent l’organisation, l’entraînement et la mission du 17 mai 1943 proprement dit. Cette mission a déjà été racontée a plusieurs reprises auparavant, et hormis quelques photos intéressantes, l’auteur reste dans le conventionnel ; notre faim de connaissance n’est pas vraiment assouvie. L’auteur se contente des faits, bien détaillés certes, mais il n’effectue aucune analyse de fond de la mission dont les résultats sont plus que mitigés. Non seulement les pertes du 617 ont été terriblement lourdes, mais les dégâts occasionnés n’ont pas été fatals pour l’industrie lourde allemande. En revanche, les Allemands ont pu se saisir d’une mine intacte, arme secrète à l’époque. Aujourd’hui, on sait que les pertes collatérales furent très importantes (y compris parmi de nombreux travailleurs étrangers), ce qui oblige à relativiser le succès de la mission, même si celle-ci détient le record de la RAF pour le nombre de décorations décernées pour une simple sortie (34 dont une Victoria Cross). Cette pudeur volontaire met bien en lumière le malaise britannique sur les résultats controversés des actions du Bomber Command pendant la guerre, malaise qui perdure encore aujourd’hui.
Les autres chapitres relatent les deux autres vies du 617 pendant la guerre. N’ayant plus d’objectifs dignes de ce nom, la RAF avait pour choix soit de le dissoudre, soit de le transformer en une unité du Bomber Command comme les autres, avec des missions de bombardement classiques. C’est cette option qui fut finalement choisie, et le 617 paya son tribut à la campagne de bombardement de l’Allemagne. L’introduction des bombes « Talboy », bombe de six tonnes, autre arme secrète des Britanniques, permit vers la fin de la guerre au 617 de distinguer à nouveau. Au contraire du raid de mai 1943, ces deux parties de l’histoire du 617 sont moins connues et, à la fin du livre, on a tout de même l’impression d’avoir appris quelque chose sur cette unité, d’autant que le chapitre portant sur l’utilisation du Mosquito n’est pas dénué d’intérêt.
Une vingtaine de profils viennent illustrer ce livre qui, même s’il comporte des lacunes, permettra à beaucoup de se familiariser avec le monde et l’ambiance des escadrons de bombardement de la RAF pendant la guerre.
Philippe Listemann
128 pages, couverture souple
– En anglais/in English