Charles Nungesser : un héros charismatique, doté d’un fort caractère, qui part encore adolescent pour l’Amérique du Sud et ne revient que peu avant la Première Guerre mondiale. Il s’y distingue par une série d’actes de bravoure et d’indiscipline, un accident spectaculaire et de nombreux séjours à l’hôpital, avant de participer à un cirque aérien aux États-Unis dans les années 20, puis de disparaître au cours d’une tentative de vol sans escale de Paris à New York.
Pour conter cette histoire, Fred Bernard a souhaité sortir des sentiers battus. Plutôt qu’une bande dessinée homérique, c’est une évocation sentimentale qu’il a écrite, parlant de la voix d’une certaine Émilie, créée de toutes pièces à partir de rumeurs concernant un amour secret de Nungesser. Le récit est parfois un peu trop chargé en guimauve, notamment dans les parties narratives (« Car jamais tu ne te ménages, jamais, jamais… Et qui t’aime te suive ! Moi, je t’aimais, et tu le savais… » par exemple). Heureusement, cela n’envahit pas l’histoire et cette écriture permet de présenter sans trop d’artifices tous les angles de Nungesser, généreux et égoïste, doué et naïf, enthousiaste et soupe-au-lait, héroïque et humain.
Ce scénario inhabituel pour un récit historique s’accompagne d’un graphisme original pour un récit d’aviation : Aseyn joue la carte d’un noir et blanc épuré, où des décors réalistes extrêmement détaillés alternent avec des visions plus floues tracées d’une main vive. On trouve ainsi aussi bien des planches de gravure d’un classicisme irréprochable que des cases éclatées, désaxées et accidentées (le crash p.74 par exemple) ; quant aux scènes d’action, elles sont cadrées et dynamisées plan par plan à la manière d’un mangaka expert. L’ensemble joue ainsi sur les contrastes entre différents styles mais conserve une belle unité, et la maîtrise graphique de l’ouvrage est absolument admirable.
Pour mettre en valeur ce dessin exceptionnel, Casterman a choisi un papier épais, mat et légèrement jaunâtre, dont la main agréable supporte idéalement les 148 planches de l’ouvrage. On peut noter, çà et là, un petit effet d’escalier sur les lignes, comme un désentrelacement maladroit lors de la numérisation des originaux, mais cela ne doit pas détourner l’attention d’une impression réellement soignée sur un papier rarement vu en bande dessinée aéronautique.
Malgré une tendance ponctuelle au sentimentalisme doucereux, cette évocation mi-biographique, mi-romancée est donc originale, différente de ce à quoi nous sommes habitués dans notre domaine, et dans l’ensemble extrêmement agréable à lire.
Franck Mée
150 pages, 24,1 x 32cm, relié
1,161 kg
Avec l’aimable autorisation de
© Casterman
Avec l’aimable autorisation de
© Casterman
Avec l’aimable autorisation de
© Casterman
Avec l’aimable autorisation de
© Casterman