Coup de cœur 2020 |
« À l’heure où l’avenir du groupe qui est propriétaire et gestionnaire de l’aéroport fait débat, ce rappel de l’intérêt public de ses valeurs patrimoniales tombe à point nommé. » C’est par ces mots que Paul Smith, ancien chercheur à la direction générale des patrimoines au ministère de la culture termine son avant-propos de ce magnifique livre consacré à Orly. Il est vrai qu’après les festivités de l’année 2018 pour célébrer les 100 ans de la plate-forme parisienne, le projet de privatisation d’Aéroports de Paris puis la récente volte-face à ce sujet après l’immobilisme forcé du printemps 2020, ont focalisé l’attention du public sur ce joyau de l’histoire francilienne.
Les éditions Lieux-Dits, dans une collection “Patrimoines d’Île-de-France”, nous proposent ainsi un très bel ouvrage bilingue français/anglais sous la plume de Paul Damm (et en partie de Laurence Bartoletti). Épaisse couverture cartonnée avec jaquette, 176 pages d’un papier de belle qualité imprimé en quadrichromie, le plumage laisse déjà une forte impression.
Le ramage, quant à lui, séduira aussi bien les passionnés d’histoire aéronautique que ceux d’architecture, de décoration, de design ou de mode, mais aussi les étudiants et chercheurs en géographie et en aménagement du territoire, et bien entendu les baby-boomers que leurs parents emmenaient le dimanche sur les belles terrasses à ciel ouvert…
Le sujet est clairement annoncé dès le début, et le sous-titre Aéroport des sixties le laissait entendre, nous sommes ici pour découvrir la genèse et la vie du bâtiment principal, celui inauguré en 1961 par le Général de Gaulle, et qui allait les années suivantes susciter plus de visites annuelles que la Tour Eiffel ou le château de Versailles, celui dit “Installations terminales” à son ouverture, “Orly-Sud” par la suite et “Orly 4” de nos jours.
Mais Orly-Sud ne serait rien sans ce qui s’est passé auparavant, et ce qui a suivi son apogée. Pour le côté historique, des chapitres nous présentent une chronologie résumée de la plateforme depuis 1918 et les Américains bâtisseurs, avec ensuite le port aérien des années 20, les grands hangars des années 30, le développement sous l’occupation allemande puis, à la libération, lors d’une deuxième vague bâtisseuse américaine. Pour l’histoire plus moderne, on suit la courte gloire à Orly dans les années 60 d’un aéroport conçu pour des avions à hélice et ayant dû prendre en marche le train (d’atterrissage) des jets commerciaux, avant de se faire si vite détrôner par Roissy au milieu des années 70. Puis voici l’évolution de la charnière Orly-Sud/Orly-Ouest menant jusqu’à leur fusion en 2019 dans un monde désormais tourné vers les compagnies low-cost.
L’iconographie de l’ouvrage est très recherchée, avec de multiples photos issues du fonds photographique d’Aéroports de Paris, du musée Air France et des collections de clichés qu’Albert Kahn prenait pour l‘Illustration. En complément, et cela est un des remarquables attraits de ce livre, nous sont présentées des compositions infographiques représentant deux sujets d’un intérêt majeur. Ce sont tout d’abord des vues en perspective du plateau de Longboyau nous montrant au fil des pages et vue du ciel, l’évolution des infrastructures en 1921, 1933, 1949, 1956, 1961 et 2019.
Ce sont ensuite, présentées à la manière d’une visite guidée, étage par étage, d’autres perspectives aériennes des différents niveaux du “bâtiment principal” : 1er sous-sol, rez-de-chaussée, 1er étage, 2e étage, 3e étage et terrasses du 2e au 6e étages. Pour chaque étage nous sont détaillés, comme si nous y déambulions, les différents services techniques et commerciaux et ce qu’ils sont devenus avec le temps. Ce dernier point, avec la disparition de beaucoup de lieux emblématiques, laisse en bouche un petit goût de nostalgie.
Comme la chanson de Gilbert Bécaud est citée intégralement dans le texte, on sent que cette nostalgie n’est pas seulement celle des lecteurs. Il est alors dommage, puisque l’on regrette la disparition de ces terrasses autorisées d’accès où le public se pressait le dimanche, que la partie historique ne parle pas des attentats de janvier 1975 commis par le terroriste Carlos et ses comparses, qui ont mené à leur fermeture.
Au chapitre des menus regrets, ajoutons les nombreuses notes (petits chiffres et astérisques) bienvenues mais dont la signification est donnée en fin d’ouvrage dans plusieurs glossaires et biographies. Certes, présentées en bas de page elles n’auraient peut-être pas donné cet aspect “beau livre”, mais elles auraient moins risqué de lasser le lecteur condamné à d’incessants allers-et-venues interrompant de fait sa lecture.
En espérant pour ce qui est désormais “Orly 1, 2, 3 et 4”, un avenir radieux, loin des séquelles du Grand confinement 2020 et des appétits de la finance internationale, nous ne pouvons que vous conseiller de vous laisser aller au charme de cet ouvrage, auquel nous accordons un très mérité coup de cœur.
Jean-Noël Violette
176 pages, 24 x 29 cm (à la française), 255 illustrations, relié (couverture rigide)
– Textes : Paul Damm, Laurence Bartoletti, traduction anglaise : Paul Smith
– Photographies : Jean-Jacques Moreau, Hubert Serre, Jean Cassan et Stéphane Asseline
– Infographie : Hervé Bouilly
– Papier couché mat 170 g/m2
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Lieux Dits
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Lieux Dits
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Lieux Dits