Ouvrage épuisé
La question des phénomènes aérospatiaux non identifiés (PAN), OVNIs ou simples lumières, sent le souffre.
D’une manière assez étonnante, quoi que le nombre et le comportement des PAN soit de nature à éveiller la curiosité, et bien que quelques centaines d’observations soient indiscutables (témoins crédibles, posés et solides, observation corroborée par un ou plusieurs échos radars, traces laissées dans l’environnement…), un scientifique qui s’intéresserait à la question passerait généralement pour un doux dingue, sinon un adepte maniaque de la théorie du complot chère à X-Files et Men in black.
Peut-être est-ce notamment pour contrer ce phénomène que Yves Sillard et six de ses collègues ont décidé de mener à bien cet ouvrage. Ici, c’est en toute rigueur que la réflexion s’exprime, et c’est avec la volonté de faire une lumière scientifique sur les PAN que chaque idée a priori loufoque est analysée méthodiquement.
Dans un premier temps, l’ouvrage s’attache à démontrer qu’il est raisonnable de se creuser la tête. Expliquant les méthodes d’analyse du GEIPAN (Groupement pour l’Étude et l’Information sur les PAN) et étudiant en détails une batterie de témoignages, J. Patenet et D. Weinstein montrent que, si l’on identifie nombre d’observations, un certain nombre résiste obstinément à toute tentative d’explication. Ils montrent aussi que l’attitude actuelle de dénégation peut mener à des catastrophes, certaines observations de PAN par des avions étant déjà passées bien près d’une conclusion tragique ― peut importe ici que l’objet soit réel ou non, la seule chose qui compte étant que les pilotes sont distraits et perturbés par des lueurs ou des objets suivant des trajectoires de collision.
Dans un second temps, J.C. Ribes, F. Parmentier et J. Arnould tentent de comprendre d’où vient la réputation sulfureuse des “ufologues”, qui atteint même les plus sérieux d’entre eux, sous des axes aussi variés que la perception qu’ont les scientifiques d’un phénomène non reproductible par l’expérience, le brouillage avéré et l’attitude schizophrène de certains gouvernements soucieux de ne pas avoir l’air de s’intéresser à ces loufoqueries mais très inquiets pour la sécurité de leur espace aérien, ou la place des PAN dans la culture populaire.
Enfin, P. Marx et J.C. Ribes étudient les possibilités existantes de parcours de l’univers, au niveau technologique comme au niveau humain : et si l’homme devait quitter un jour le berceau rassurant de la proche banlieue terrestre comment ferait-il, et ne finirait-il pas par provoquer des PAN qui interrogeraient les scientifiques d’exoplanètes ?
Globalement, disons-le tout de suite, cet ouvrage est plutôt passionnant. Certains témoignages ne nous sont parvenus que par l’écho déformé d’une presse plus soucieuse de sensationnel que de vérité ; ils sont ici retranscrits avec toute la rigueur ― disons même l’austérité ― nécessaire. Par ailleurs, le paradoxe qui consiste à ridiculiser ce qu’on ne comprend pas alors même que l’on est un scientifique censé s’interroger sur ce qui le dépasse est décortiqué en détails, et les perspectives ouvertes par l’évolution récente des connaissances en astrophysique sont analysées avec une acuité remarquable.
On regrettera d’autant plus le niveau littéraire plutôt inconstant de ce travail indispensable. Comme souvent dans les ouvrages collectifs, chaque auteur a son style, sa façon d’écrire et de raconter, et un travail d’harmonisation littéraire aurait sans doute été bienvenu. Certains auteurs manient le verbe remarquablement bien, rendant palpitante et passionnante leur analyse de faits et leur étude prospective de nos connaissances actuelles ; d’autres laissent le goût amer de considérations passionnantes noyées dans des phrases étrangement tournées nécessitant une concentration de chaque instant. En tant que lecteur, on alternera donc entre le rêve et le… travail.
Reste que, pour toute personne un tant soit peu intéressée par ces phénomènes inexpliqués, cet ouvrage est une somme indispensable, tant pour remettre les choses au point sur le plan scientifique que pour inviter à une réflexion plus large. Prenant soin de n’éliminer que les hypothèses contraires à toutes nos connaissances, et de garder l’esprit ouvert à toutes les possibilités aussi infimes soient-elles, sans jamais conclure péremptoirement mais en soulignant forces et faiblesses de chaque point de vue, c’est une bible de l’étude ufologique qui nous est proposée là.
Franck Mée
276 pages, 15,5 x 24 cm, couverture souple
Sous la direction d’Yves Sillard