Même s’il est bien connu que nul n’est prophète en son pays, Pierre Clerget méritait sans doute tout autre chose que le semi-oubli. Si son nom demeure, tout au moins pour les amateurs éclairés, lié aux moteurs d’aviation à huile lourde (selon les principes de Rudolf Diesel qui accordera un certain intérêt aux travaux de l’ingénieur français), ses réalisations et son existence n’ont jamais fait l’objet d’une étude approfondie et globale. Ingénieur talentueux, Clerget n’aura pas laissé une empreinte à sa mesure. Motoriste d’avant-garde, il équipera plusieurs milliers d’appareils, tant civils que militaires, et surtout réalisera en 1928 un premier moteur d’avion à huile lourde (diesel), sensiblement à la même époque que sortait de chez Junkers le Jumo 205 qui équipa le Do 18. Davantage chercheur qu’industriel madré, Clerget connut une carrière alternant grande renommée et éclipses, avant de perdre la vie en 1943 dans de troublantes circonstances.
Si la littérature aéronautique francophone n’est pas avare en matière de biographies de pilotes, elle se montre bien ladre et ce qui concerne les constructeurs, et davantage encore quant aux ingénieurs et motoristes. Cet ouvrage est donc le bienvenu, d’autant plus qu’il ne manque pas de qualités. Il eût été incongru d’évoquer en profondeur la personnalité et la vie de Pierre Clerget sans aborder ses réalisations. Gérard Hartmann, à qui l’on doit Lioré et Olivier, un grand constructeur aéronautique, a réussi à marier habilement l’aspect humain et le volet technique, ceci de manière vivante et accessible. L’ouvrage est bien documenté, agrémenté de nombreuses photographies d’époque, de croquis et dessins techniques, de tableaux, et pas moins de 95 pages d’annexes, sans compter les indispensables notes de bas de page : un livre tout à fait à la hauteur de son sujet, passionnant et de lecture agréable. Saluons l’entreprise de Gérard Hartmann : rendre sa place à Pierre Clerget, et ce avec sérieux sans aridité ni sécheresse technicienne, est de toute évidence une œuvre salutaire : pari gagné.
Philippe Ballarini
464 pages, 14,5 x 23 cm, couverture souple.
– Préface de Gérard Pommier.
– Postface : Pierre Clerget, mon père, par Marie-Henriette Clerget.
– Coup de cœur Aérobibliothèque 2004.