 |
Coup de cœur 2019 |
|
Les « Malgré-nous » ; pas vraiment un sujet réputé aéronautique. Et pourtant, ce livre narre une étonnante épopée, celle d’un Mosellan (et donc de nationalité allemande de 1940 à 1945) qui, enrôlé dans la Luftwaffe, vole un Messerschmitt Bf 109 qu’il livre aux Alliés, avant d’intégrer les Forces Aériennes Françaises au manche d’un Spitfire, après quoi il pilotera un hélicoptère Sikorsky H.19 au Tonkin pendant la guerre d’Indochine, dans des conditions souvent dramatiques. Épopée étonnante, certes, que l’on pourrait croire issue d’une imagination féconde, mais dont l’authenticité est avérée.
L’ouvrage d’Oscar Gérard ne se limite pas à la narration des tribulations aéronautiques de son ami René Darbois : il expose (non sans un certain ressentiment perceptible) la pénible situation des « Malgré-nous ». L’aviateur avait d’ailleurs noté dans son agenda « La domination allemande m’a rappelé que j’étais Français, l’accueil de la France m’a fait comprendre que j’étais Lorrain. » Ces Alsaciens et Mosellans ont suscité autant de méfiance de la part de leurs compatriotes français que de celle des Allemands. Des situations humiliantes émaillent ce livre et permettent, au-delà de la démarche particulièrement hardie de René Darbois, de mieux appréhender le sujet des « Malgré-nous ».
La fin de l’ouvrage est occupée par un édifiant « dossier pédagogique » où l’auteur ne cache rien de ses errances juvéniles, mais où il n’y va pas « avec le dos le la cuiller » pour évoquer les souffrances infligées à ces « Malgré-nous » et à l’incompréhension de la plupart des gens, chez les Alliés (y compris les Français). Rappelons-nous que les Alsaciens-Lorrains réfugiés dans le Sud de la France se voyaient souvent affublés du sobriquet de « Boches de l’Est ». C’est donc un ouvrage d’un double intérêt, aéronautique et historique. On notera que René Darbois occupe quasiment la totalité de l’ouvrage, mais que l’auteur, Oscar Gérard, évoque (brièvement) en fin d’ouvrage les (més)aventures de quelques autres « Malgré-nous », dont lui-même. La lecture est aisée, le texte sobre : l’ouvrage est facile et agréable à lire autant qu’il est enrichissant.
Philippe Ballarini
260 pages, 16 x 24 cm, broché
0,638 kg
– Une première édition, commentée par Georges-Didier Rohrbacher, avait été publiée en 2011