Coup de cœur 2017 |
Quasi parfait ! Il ne semble pas que l’on ait déjà décerné un coup de cœur dans l’Aérobibliothèque à un ouvrage traitant de l’apprentissage en aviation. Si l’on trouve de tout dans ce domaine, du pire au meilleur, il est bien rare, même pour ce qui se fait de mieux, que l’on repose un ouvrage, lors d’une pause de lecture ou en l’ayant terminé, avec un grand sourire de satisfaction et du baume au cœur. C’est pourtant ce qui se produit avec ce petit livre, très intelligemment agencé.
Se penchant sur l’histoire de l’enseignement aéronautique, l’auteur, Fabrice Dubost, se demande si le plaisir actuel du vol aux écrans remplacera à terme celui du vol aux sensations qui a marqué tout le début de l’aviation, il y a un siècle de cela. Mais ne cherchant pas à nous apporter une réponse toute prête, il compare tout simplement les choses, en les juxtaposant. Tout simplement, mais avec de nombreuses références piochées dans une bibliothèque que l’on imagine bien fournie, des guides, traités et manuels abordant l’art de cet apprentissage en 1911-1912, 1916, 1932, 1934, 1947, 1951, 1957, 1960, etc. jusqu’à nos jours.
Pour simplifier la comparaison, l’auteur a choisi quatre personnages fictifs, emblématiques des années 1911 (avant la Première Guerre mondiale), 1934 (Entre-deux-guerres), 1963 (post Seconde Guerre Mondiale) et 2002 (époque contemporaine), deux hommes et deux femmes dans une parité de bon aloi, aux prénoms en forme de clin d’œil.
Pour chacun de ces personnages, l’auteur nous présente ensuite quels étaient (quels sont) ses moyens d’apprentissage et sa pratique en aviation légère, dans des situations relativement comparables. Cela concerne onze chapitres : la préparation du vol, le départ, l’envol, la montée, le vol horizontal et les virages, la navigation, la panne, la descente, la prise de terrain, l’atterrissage, et pour finir l’apprentissage et les manuels.
Chaque chapitre est suivi d’une analyse des situations, présentant ce qui se fait actuellement, avec l’éclairage des pratiques plus anciennes. C’est l’occasion de connaître quelques astuces, quelques trucs de grand-mères intemporels
Le tout, enrichi de schémas, tableaux et illustrations diverses, est très agréable, bien écrit, et surtout non-dogmatique. L’auteur n’est pas un juge qui déciderait ce qui est mieux, d’avant ou de maintenant. Mais il encourage à l’occasion le pratiquant « moderne » à connaître quelques secrets du passé, quand ils pourront pallier un jour une éventuelle défaillance, comme si le titre était « Piloter aussi à l’ancienne ».
Un lexique est présenté en fin d’ouvrage, ainsi qu’une reprise des références bibliographiques, remarquables dans l’ensemble, tout du moins pour les plus anciennes.
C’est très riche, et si nous avons commencé en parlant de « quasi » complet, c’est parce que pour être parfait il manquerait tout juste quelques ajouts pour la vent-arrière (formule mnémotechnique « Et voilà pourquoi ça gaze » pour les classiques, ou check-list pour les modernes), une définition multi-époque de la mesure du vent avec une manche à air (5 kts par tranche rouge ou blanche gonflée), l’explication de ce qu’était « L’Évangile selon Saint-Yan » évoqué rapidement, et de parler un peu des « deux alpha » chers à ce même « évangile », ainsi qu’un petit toilettage de quelques (peu nombreuses) fautes d’orthographe et/ou typographiques. On pourrait aussi suggérer à l’auteur, pour ce qui est de la panne en campagne et comme il rend hommage en passant aux vélivoles, les plus à l’aise quand il s’agit d’aller aux vaches, de glisser la petite formule mnémotechnique utilisée en planeur pour le choix d’un champ « VERDO, vent – état de surface – relief – distance – obstacles ». Mais cela n’enlève rien à ce coup de cœur chaudement décerné à cet élixir de pédagogie(s).
Jean-Noël Violette
156 pages, 17 x 24 cm, broché
0,400 kg
– Préface de Jacques Aboulin
Diplôme de l’Aéro-Club de France 2018