Planeurs de combat

Du silence au fracas
Vincent Lindner

Quand on visionne les images de plusieurs batailles de la Seconde Guerre mondiale, il y a souvent dans un coin du décor quelques planeurs d’assaut fracassés dans un champ. Ce livre, transposition en mode « grand public » du mémoire de master que Vincent Lindner a passé à la Sorbonne est consacré à cette étrange arme utilisée essentiellement lors de cette guerre. Il semble que le champ d’investigation a été au passage élargi, le mémoire initial étant surtout consacré au front ouest européen.

L’ouvrage s’ouvre sur la prise du fort d’Eben-Emael, combat remporté par la seule utilisation de ce vecteur aéroporté. Mais il aborde bien entendu d’autres batailles, avec des réussites diverses pour les planeurs de combat, allant d’une grande efficacité quand l’effet de surprise peut jouer, à une complète inutilité voire à un désastre en terme de perte de combattants. L’auteur se penche ainsi sur leur utilisation pour la prise du canal de Corinthe, en Crète, en Norvège, en Sicile, en Normandie, en Provence, en Hollande, lors du franchissement du Rhin, à Luçon (Philippines), en Birmanie, au Gran Sasso et, de manière moins précise, sur le Front de l’Est.

Il évoque page 58 le choix tactique d’Hitler, en 1941, de ne plus utiliser les planeurs d’assaut pour les opérations de grande envergure, tout en rappelant, en fin d’ouvrage, que les Allemands se sont « servi du Gotha 242 sur tous les fronts ». Une absence surprenante dans cet ouvrage, c’est la participation des DFS 230 et des Gotha 242 à l’invasion du maquis du Vercors en juillet 1944. C’est d’autant plus regrettable que des carcasses de ces machines sont visibles au musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors, ce qui n’est pas commun en France. Mais peut-être est-ce un peu loin de la Sorbonne…

En début d’ouvrage, Vincent Lindner consacre plusieurs pages à expliquer ce qu’est à la base un planeur de sport, voire même son utilisation en vol à voile moderne, et surtout quel en fut succinctement l’histoire. Puis il montre la filiation qu’il peut y avoir entre ces frêles engins et les machines multi-places de combat, notamment outre-Rhin avec l’habituelle explication des conditions du Traité de Versailles. Pour la France, il explique pourquoi, à contrario, ce ne fut pas une arme qui fut retenue par les officiels. Regrettons que, pour un travail universitaire, la seule source citée, et peut-être utilisée, soit l’Histoire du vol à voile d’Éric Nessler, ce qui fait parler de l’hypothétique vol de la barque ailée de Jean-Marie Le Bris en 1856 et oublier les essais comparables de l’Anglais George Cayley trois ans auparavant. Mais ce n’est qu’un détail, et nous ne sommes pas là pour ça.

Puis l’auteur nous montre comment le développement des appareils fut accompagné de la formation et de l’entraînement des pilotes chez les principaux belligérants, en Allemagne avant et pendant la guerre, chez les Britanniques sous la pression des événements et aux USA, sans précipitation avant Pearl Harbour puis dans une grande frénésie ensuite. Il manque les Soviétiques, simplement cités comme utilisateurs mais pour lesquels la documentation a dû faire défaut.
Le livre est illustré de 24 photos noir & blanc regroupées en un cahier central. Si les récits sont intéressants à lire, le puriste pourra souffrir un peu de nombreuses répétitions, de quelques fautes parfois et d’un manque de concordance des temps à l’intérieur des paragraphes.*

On pourra regretter également que les obstacles défensifs volontairement disposés dans les terrains susceptibles d’accueillir des planeurs ennemis, les « asperges de Rommel » principalement, ne soient abordés que par une simple note du bas de la page 20.

Malgré ces quelques détails, cela reste un bon exposé. On retiendra particulièrement l’analyse finale, montrant pourquoi le souvenir que l’on a de ces planeurs de combat n’est pas le même d’un pays à l’autre, moins dramatique chez les Anglais et chez les Allemands qu’il ne l’est chez les Américains.

Jean-Noël Violette


Exemple, page 34 (sic) :
« Pour les pilotes […] l’entraînement est axé sur la précision d’atterrissage et le vol sans visibilité. Mais ils étaient aussi entraînés au combat d’infanterie, comme leurs camarades parachutistes, en prévision des combats. L’entraînement des hommes devant arriver par planeur devaient les rendre capables de sortir aussi rapidement que possible des planeurs et d’opérer comme troupes de choc. À partir de 1942, troupes de planeurs et parachutistes reçoivent le même entraînement et pouvaient opérer sans distinction de ces 2 modes de transport, démontrant la grande intégration des planeurs dans l’arme aéroportée allemande.  »


144 pages, 15,3 x 24 cm, broché
cahier 12 pages photos
0,266 kg

En bref

JPO Éditions

ISBN 978-2-37301-056-5

14,90 €