La fin des années 1970 peut nous paraître par certains aspects comme un âge d’Or de l’histoire aéronautique dans notre pays : le Musée de l’Air y trouve enfin des locaux (presque) suffisants au Bourget et le terrain de La Ferté-Alais connaît un développement rapide, suivi par des collections de plus en plus nombreuses à travers le pays ; dans le petit monde de l’édition spécialisée, le succès du Fana de l’Aviation – qui est encore un « Album » du dit « Fanatique » – et des grandes séries d’Icare, ou le développement discret du Trait-d’Union, donnent des idées à bien des passionnés : dans le sillage du déménagement du Musée, ses « Amis » lance Pégase, un bulletin ambitieux qui va publier des articles de fond encore considérés aujourd’hui comme des références ; Air Fan fait son apparition en 1978, un an après une revue plus discrète au titre « sérieux », Le Moniteur de l’Aéronautique, dont les articles se font rapidement remarquer, mais qui malheureusement n’arrivera pas à fidéliser un lectorat suffisamment nombreux et devra cesser sa publication quatre plus tard.
Malgré la vitalité de l’édition d’histoire aéronautique, les passionnés pourront facilement constater dans leur propre bibliothèque qu’un bon nombre des ouvrages qu’ils considèrent comme des références approchent tranquillement de la cinquantaine, et qu’ils n’envisagent pas encore de mettre leur collection du Fana ou d’Avions à la benne pour cause d’obsolescence ; c’est ce constat qui a probablement poussé l’éditeur belge francophone Skyshelf.eu à publier un certain nombre de recueils d’articles extraits du défunt Moniteur de l’Aéronautique, dont celui-ci consacré aux prototypes nés d’un autre âge d’Or, lorsqu’une génération d’ingénieurs français formés à partir du début des années trente – des héritiers d’Albert Caquot en quelque sorte – surent relancer après la dernière Guerre un outil industriel moribond pour aboutir 25 ans plus tard aux succès à l’exportation que furent la Caravelle, le Mirage III ou les Alouette II et III, sans oublier les moteurs Turboméca ; à travers l’article qui ouvre le recueil, on reste stupéfait par le nombre des 10 à 20 prototypes qui volèrent pour la première fois chaque année de 1944 à 1963 (la liste se termine par le premier vol du Moynet Jupiter, exactement 60 ans après celui du Flyer A des Wright !).
Bien sûr, le souvenir des Trident, Leduc et autre Espadon n’avait jamais disparu, mais l’engouement pour l’histoire aéronautique de notre pays au cours de ces années 1970 s’est traduit par un regain d’intérêt pour une période encore proche que les Concorde, Airbus et Mirage 2000 semblaient irrémédiablement reléguer dans l’Histoire, intérêt bien illustré par la mémorable série d’ouvrages que lui consacra Jacques Noetinger, par exemple ; on gardera également à l’esprit que le départ en retraite de la génération d’ingénieurs auxquels on doit ces appareils permit alors d’accéder plus facilement à de nombreux témoignages inédits.
Chacun trouvera certainement plus d’une erreur ou d’un oubli dans ces textes : nous n’avons pas cherché à comparer les divers chapitres monographiques, dont une bonne part est due à la plume de Joël Mesnard, avec les rares monographies qui avaient pu être publiées auparavant – dans le Fana de l’Aviation par exemple, ni avec des ouvrages plus récents; il est certain, par exemple, que les lecteurs des travaux de Philippe Ricco sur les avions Leduc, sur le Griffon ou sur le Gerfaut ne trouveront ici rien qu’ils ne connaissent déjà.
L’intérêt de ce recueil tient dans le regard global porté par une petite équipe rédactionnelle ; si sa présentation sous forme de monographies en fait un outil de référence, il peut également se lire comme un récit de cette période fascinante.
Pierre-François Mary
– 284 pages, 21 x 15 cm, couverture souple
– 550 g.