Coup de cœur 2015 |
Regards croisés : deux regards différents pour un même ouvrage.
– Le commentaire de Jean-Noël Violette
– Le commentaire de Philippe Ballarini
Cela faisait un moment que Roger Gaborieau nous l’avait annoncé, son livre sur le Rallye au sous-titre à la Fenimore Cooper ! Et bon nombre de pilotes ayant un jour connu, presque au sens biblique, « le dernier des Morane », s’étaient pressés à ce cri de rallye-ment.
Ils ne vont pas être déçus, le résultat est superbe et ce Rallye n’aura pas menti. Il faut dire que l’auteur a ses entrées au Musée Régional de l’Air, à Angers, et que les collections documentaires et photographiques de ce haut lieu de mémoire sont encore, comme pour plusieurs ouvrages de Roger Gaborieau ou de Christian Ravel, l’ossature et la richesse de celui-ci. Mais une somme de notices, plans et photos ne seraient rien sans un savoir-faire pour nous les présenter, pour nous les raconter et pour nous les faire vivre. Et ici, avec bonheur, nous retrouvons le meilleur de Bleu Ciel dans une mise en page moderne et dynamique, et dans les textes, bien écrits, de Roger Gaborieau.
Le livre s’ouvre sur un chapitre qui nous présente le contexte de notre épopée, « L’aviation légère au lendemain de la guerre ». C’est dans la veine de son précédent ouvrage sur l’Aviation Légère 1920-1942, dont nous réclamions les années ultérieures à la fin de sa recension. Nous voilà donc déjà en partie comblés, et nous n’en seront que plus impatients de voir paraître un jour la suite.
Puis l’auteur nous conte la saga de notre oiseau en alu au fil d’une dizaine de chapitres, de la conception à la fin des années 50 et des premiers vols jusqu’à la fin de la production dans les années 90, et même au-delà puisque les Rallye volent toujours. Au passage on découvre l’Opération Rallye, première réelle campagne de marketing et de communication moderne dans l’aviation légère, et les reprises successives de la fabrication sous différentes bannières : Morane-Saulnier, SEEMS, Potez, Sud-Aviation et SOCATA (de nos jours Daher, qui a également bien contribué à l’iconographie de l’ouvrage). Techniquement, les cellules évoluent aussi, et toutes les versions nous sont présentées chronologiquement, par familles (cellules légères et lourdes), par motorisation et suivant les équipements (manche ou volant, schémas de peinture, etc.). C’est complet et très clair.
Un point important est souligné, son rôle d’avion remorqueur, mais on le découvre aussi en aéro-club, sous les drapeaux et à l’occasion à l’étranger. Au passage, l’auteur nous livre plusieurs anecdotes vécues personnellement, ce qui donne, essentiellement à la fin du livre, un caractère très familier à un travail plus journalistique pour le reste. De petits récits d’autres pilotes sont aussi glissés, et on trouve également tout un chapitre technique écrit par Christian Ravel, sur l’entretien du Rallye.
Pour terminer sont évoqués un projet Rallye II» d’évolution bimoteur, l’éphémère Rallye 7 et le cousin polonais, le Koliber, avant un dernier chapitre sur le maquettisme et le modélisme, et quelques pages d’annexes.
Tout cela est copieusement illustré de photos, modernes ou anciennes, de plans et de copies d’autres documents. Mais aussi, et c’est un délice pour les zygomatiques, par des illustrations de Jean Barbaud et, un régal pour les yeux, par de nombreux profils dessinés par Alban Dury. Ce dernier point est rare en aviation légère, et d’autant plus agréable, on rencontre plus souvent ces profils au détour de monographies de Messerschmitt ou de Mustang.
Un – tout petit – regret personnel ? De ne rien avoir trouvé, photo ou schéma, concernant un des premiers systèmes de jauges à carburant par tube transparent courant le long des parois intérieures de l’habitacle, rencontré une fois sur une cellule ancienne.
On pourrait également rêver de trouver les listes de production, mais pour un appareil fabriqué à plus de 3000 exemplaires, ce serait techniquement difficile. L’auteur, en expliquant ce choix, indique proposer celles d’Air Britain sur son site L’aviation légère en France .
Nous n’aurons qu’un conseil pour un/une passionné(e) du « dernier des Morane » ou pour qui s’intéresse à l’aviation française des trente glorieuses, c’est qu’il/elle rallie l’auteur, et se procure son incontournable ouvrage.
Jean-Noël Violette
On connait Roger Gaborieau pour les livres qu’il a édités sous la bannière de « Bleu Ciel », souvent remarquables quant à leur forme et à leur fond, et le taux de récompense de coups de cœur de l’Aérobibliothèque est à juste titre particulièrement élevé chez cet éditeur. On le connaît aussi pour les ouvrages sur les avions de collection dont il a partagé l’écriture avec d’excellents photographes, et on l’a retrouvé plus récemment pour une Histoire de l’aviation légère en France 1920-1942. Et voilà que, dans la lignée de ce dernier ouvrage, il nous propose un livre sur un fleuron de cette aviation légère, le Morane-Saulnier Rallye.
Auprès d’un amateur avisé, les noms associés de Léon et Robert Morane d’une part et de Raymond Saulnier d’autre part évoquent à coup sûr un grand pan de l’histoire de l’aviation française : le type H du tour d’Europe de Marcel Brindejonc des Moulinais ou de la traversée de la Méditerranée de Roland Garros en 1913, le Type L Parasol à mitrailleuse axiale des victoires du même Garros en 1915, les MS.230 à 315 qui firent les beaux jours des meeting des années trente, le MS.406 qui fut le premier chasseur moderne de l’Entre-deux-guerres et encore un vaillant combattant en 39-40, les versions francisées du Storch et autres appareils de l’après-guerre qui connurent celle d’Algérie ou les centres-écoles : MS.470 Vanneau et 733 Alcyon, et jusqu’au petit biréacteur de liaison MS.760 Paris.
Mais c’est au dernier appareil ayant porté ces prestigieuses signatures que Roger Gaborieau s’est intéressé, le Rallye. C’est original, car les ouvrages aéronautiques se tournent généralement vers des avions autrement plus guerriers, mais le choix est amplement justifié par l’importance qu’eut cet avion, formateur et monture de tant de pilotes privés des années soixante à nos jours. Si le pilotage de la machine était réputé des plus simples (hormis peut-être pour les premiers roulages au sol pour un élève-pilote déboussolé par une roue avant dite « folle »), sa conception était plus recherchée qu’il n’y paraissait, procurant à ses utilisateurs des becs de bord d’attaque automatiques et des volets Fowler qui offrirent de réelles capacités de décollage et d’atterrissage courts. L’ouvrage présente bien entendu en détail tous ces points que des schémas viennent encore mieux expliquer. Il brosse en outre au passage en toile de fond un véritable portrait de l’aviation légère en France à la fin du XXe siècle.
Tout est remarquable ici, à commencer par les nombreuses illustrations, heureusement servies par la taille imposante du livre qui évite de les voir réduites à la portion congrue d’une « petite image » de l’école communale d’antan*, et par la qualité du papier à la finition brillante de bon aloi. Parmi ces photos, notons celles, incontournables, de ces remorqués multiples de planeur*. Tout au plus manquerait-il celles d’un Rallye remorquant un autre Rallye, parues dans la presse de l’époque. Par contre, nous avons droit au petit frisson de rigueur devant ces Commodore ou Minerva effectuant des décollages sous des angles irréels.
Remarquable, c’est aussi le cas de la clarté des profils d’Alban Dury, ou de l’humour des illustrations de Jean Barbaud. L’auteur n’est pas avare d’anecdotes, tant personnelles que recueillies auprès d’autres contributeurs. Les moindres ne sont pas cet atterrissage dans une grotte en 1972 ou les différents exploits de Maurice Sérée.
Et comme souvent avec les ouvrages édités par Bleu Ciel, la présentation est embellie de ces petits apartés, notes techniques ou historiques qui en rendent la lecture d’une grande fluidité.
Nous ne sommes pas très enclins à qualifier un ouvrage de « livre de référence » ; décerner un tel titre est forcément prétentieux si l’on veut bien garder l’esprit raisonnablement ouvert. Celui-ci restera tout de même uns source incontournable dans les années prochaines en ce qui concerne le monde de l’aviation légère.
Voilà donc un livre qui allie une grande richesse documentaire et un grand plaisir de lecture, avec bien entendu à la clef un agréable coup de cœur de l’Aérobibliothèque.
Philippe Ballarini
* Jadis les résultats scolaires satisfaisants étaient récompensés par des « bons points », dix bons points donnaient droit à une « petite image » et cent à une « grande image ».
* Exceptionnellement, un avion remorqueur peut remorquer simultanément plusieurs planeurs, étagés à des niveaux différents derrière lui.
224 pages, 21 x 29,7 x 1,5 cm, broché avec couverture à rabats
400 photos et illustrations, plans trois-vues, profils.
0,945 kg
Avec l’aimable autorisation de
© Bleu Ciel Diffusion
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