Vous êtes ici : Biographies et autobiographies   

René Fonck

As des As et pilote de la Grande Guerre
Daniel Accoulon

Si l’As des As interalliés de la Grande Guerre n’a jamais donné son nom à une base aérienne ou une promotion de l’armée de l’Air, il suscite un net regain d’intérêt, ces quinze dernières années. Après la biographie de Claude Perrin en 2002, celle de Corinne Micelli et de votre serviteur en 2007, celle publiée en épisodes dans le Fanatique de l’aviation et due à David Méchin en 2013, voilà qu’un jeune universitaire, Damien Accoulon, s’intéresse au sujet. L’angle sous lequel est visitée la vie et la carrière de Fonck est toutefois différent : pas question d’une nouvelle biographie, mais plutôt, à travers ce qu’a vécu le pilote salixien, une réflexion sur ce qui fait et défait une réputation nationale et internationale. Afin de parvenir à ses conclusions, Damien Accoulon retrace en détail et chronologiquement la vie de Fonck, de sa jeunesse dans les Vosges à son oubli et son décès subit, à Paris, en 1953. C’est ainsi l’occasion de découvrir quelques aspects biographiques méconnus (députation, automobiles Fonck, projet de ligne transatlantique, brevets, pacifisme … ), car ce livre d’historien est riche de par la documentation compulsée et les innombrables références qu’il recèle (archives, presse nationale et internationale, littérature aéronautique …).

Mais l’auteur, toujours en bon historien, ne perd jamais de vue son intention et propose rapidement sa vision des choses : le véritable tournant qui entame l’aura de Fonck se situe en 1927, lorsqu’il échoue à traverser l’Atlantique. Treize ans plus tard, ce qui renforcera définitivement l’oubli dans lequel il demeure depuis 1945, n’est pas traité à la légère : sa proximité du maréchal Pétain, ses manœuvres pour faire échouer Laval, son entregent avec Goering sont clairement énoncés et intelligemment replacés dans leur contexte historique. Pour autant, son aide ponctuelle à la Résistance et aux Juifs, ses démêlés avec l’Occupant, l’absence de tout jugement ou condamnation à la Libération sont également mis sur la table et le tout permet de tracer un portrait contrasté, mais ô combien réaliste de René Fonck, dénué de toute caricature ou de tout manichéisme. On regrettera toutefois des imprécisions et des erreurs qu’on s’étonne de noter dans un travail de recherche aussi élaboré. Pêle-mêle, au fil des pages : le Groupe de combat 12 n’est pas « plus connu sous le nom d’Escadrille des cigognes » (p. 26) car un groupe de combat n’est pas une escadrille mais un regroupement d’escadrilles, Fonck n’a jamais été Inspecteur de la chasse (p. 272) mais affecté à l’Inspection de la chasse dirigée par un officier général ; de même, d’Harcourt n’a jamais commandé « les Cigognes » (soit la N3 ou le GC 12) (p. 326) mais « seulement » la SPA 103 ou encore, n’a jamais été CEMAA en 1953 (p. 321) ; enfin, un dirigeable Zeppelin, aérostat de croisière, n’a rien à voir avec les « saucisses » d’observation, qui sont des ballons captifs (p. 87) … Un index des noms rencontrés dans l’ouvrage aurait également été le bienvenu, ainsi qu’une légende plus appropriée à la photo de la page 267 : dans le célèbre portrait Harcourt-Paris qui montre le colonel Fonck en « tenue droite », fin des années trente, l’auteur ne remarque que l’insigne de Grand officier de la Légion d’Honneur, alors que l’intéressé arbore son impressionnante Croix de guerre à 28 palmes !

Ni réhabilitation, ni condamnation, on retiendra que l’ouvrage de Damien Accoulon, outre la mise en perspective de la gloire bien fragile d’un héros national, se révèle être un portrait très fouillé, d’une grande objectivité. Il montre à quel point les ailes d’un des plus grands aviateurs, forgées au combat, faisant de lui le héros et le précurseur incontesté qu’on connaît, se révèleront au sol ou hors de son domaine, bien trop imposantes, et souvent inadaptées ou inutiles.

Bernard Palmieri


408 pages, 15 x 22 cm, broché
0,562 kg

En bref

Éditions Privat

ISBN 978-2-7089-9280-1

21 €