Rêve d’Icare à la Ferté-Alais

De Louis Mouillard… à Georges Payre
Michelle Mousset-Payre

« Il m’est arrivé parfois, en pensant à notre aventure si joyeusement commencée, si tragiquement terminée, de me dire que ce planeur qui se désintègre en vol alors qu’il en est encore temps, c’était peut-être, venue d’un ailleurs auquel on voudrait croire, une volonté de son créateur, afin de nous protéger, ses amis, ses enfants, moi-même… C’est une idée déraisonnable. »

Ce planeur, c’est l’AM56 “Louis Mouillard” (*). Son créateur, c’est Georges Payre.
Celle qui nous en raconte l’histoire, c’est Michelle “Chimelle” Mousset-Payre, son épouse.
Son ouvrage est le récit initiatique d’une jeune vélivole dans les années 50, découvrant au-delà du vol à voile l’ambiance extraordinaire qui régnait au centre de La Ferté-Alais. Les anecdotes sont nombreuses et retracent parfaitement ce que pouvaient alors être les aventures d’une jeune fille se sentant bien maladroite en débarquant dans ce milieu, puis prenant confiance en dépliant ses ailes. Elle nous raconte aussi sa rencontre, amicale, puis amoureuse et enfin familiale, avec un ingénieur-constructeur poursuivant ses rêves pendant de longues années. Le récit est vif, coloré, amusant parfois. Le témoignage est précieux. Le vocabulaire est riche de face-à-main ou de componction, et “Chimelle”, dans ses métaphores, n’hésite pas à faire apparaître les Eusébius et Florestan chers à Robert Schumann, ou Chrysale des Femmes Savantes.

On croise également des figures plus proches de nous, le chef de centre Paul Lepanse, les instructeurs Houillot, Biagi et De Torcy, et des tas de vélivoles ou de personnalités comme Madame Salis, Jacqueline Bouillon, Robert et Roger Deleporte, Herbulot, la fratrie Mauduit, Robo, Francine Abadie, Pierre Hannhart, etc.

Si la couverture n’est pas des plus attrayantes, les illustrations intérieures sont bien plus intéressantes. Elles sont de trois origines : des gravures tirées des ouvrages de Louis Mouillard, des photos très originales de Georges Payre et de son AM56 provenant de la collection familiale, et des reproductions jubilatoires des dessins de Beuville, qui volait alors lui aussi à La Ferté-Alais où il présidait même le centre inter-clubs.

Que le puriste lecteur du XXIe siècle ne soit pas étonné d’entendre dire “Brevet D”, “Brevet E” et “Brevet F”. C’est bien ainsi que, dans les clubs français, l’on a parlé pendant des décennies des insignes d’Argent, d’Or et des trois diamants, même s’il est de bon ton de nos jours d’utiliser cette seconde appellation, plus légitime, pour ces badges.

Et si certains passages semblent familiers aux lecteurs habituels de la revue Vieilles Plumes, c’est normal : quelques textes ici présents étaient déjà parus dans le numéro 19 consacré à l’histoire du centre de La Ferté-Alais. Il leur en restera suffisamment à découvrir !

Au-delà d’une autobiographie pleine de charme, ce témoignage est surtout une peinture très intéressante du vol à voile d’il y a presque 70 ans.

Jean-Noël Violette

(*) Pour Arts & Métiers et 1956, l’année du début de son étude


Format 16 x 24 cm, 136 pages, 0,370 kg
Illustrations et photos couleurs en noir et blanc ou sépia

En bref

Bleu Ciel Éditions

18 €

ISBN 9782918015246