Pour les générations qui ont connu Spoutnik 1, Youri Gagarine, German Titov*, la première mission lunaire Apollo 16 (?) et l’extraordinaire engouement populaire pour la conquête de l’espace, tout semble relativement stagner depuis le dernier voyage sur la Lune. Les décollages de fusées ne déplacent plus guère les foules devant les écrans de télévision dont les images parviennent souvent relayées depuis l’espace proche. Un nouveau satellite artificiel suscite désormais moins d’intérêt que la sortie d’un 4×4 urbain « hybride » ou celle du dernier album d’un DJ à la mode. L’espace ? C’est devenu d’un banal… Le grand moteur de la conquête spatiale fut… la Guerre froide et la concurrence effrénée que se livrèrent deux super-puissances… et deux systèmes politiquement et économiquement opposés. L’effondrement du bloc soviétique mit fin à la compétition acharnée qui avait avancer la conquête de l’espace à pas redoublés.
Et pourtant, un observateur un peu attentif remarquera ces dernières années un intérêt renouvelé pour la planète Mars. D’abord comme un frémissement, puis l’élaboration de nouveaux projets de plus en plus plausibles. Après avoir été si longtemps la mystérieuse planète rouge parcourue de « canaux », hébergeant vraisemblablement des créatures très évoluées (mais souvent hostiles), Mars est devenue une « nouvelle frontière ». Même le cinéma et les feuilletons télévisés — et c’est un signe ― se sont tournés vers ce nouveau but. La question ne se pose même plus de savoir si l’Homme ira sur Mars, mais quand et comment.
Une nouvelle donne semble se jouer, se substituant à la concurrence Est-Ouest : l’apparition de projets privés qui pourraient bien aiguillonner (ou coiffer sur le poteau) les recherches spatiales sur fonds publics ; Elon Musk est, avec son projet SpaceX est l’une des figures de proue de cette nouvelle tendance qui ne saurait être ignorée.
Ce livre, très complet, fait le point sur la conquête de Mars, schématiquement en deux temps. La première partie, sous le sous-titre Les projets étatiques d’exploration de la planète Mars, fait le point sur le passé, depuis les premières sondes US Mariner jusqu’au bouleversement qu’apporta Elon Musk et son projet. La seconde partie, Vol habité martien 2.0, nous projette dans un avenir de plus en plus proche et de plus en plus présent, évoquant la quantité de solutions et de stratégies envisagées jusqu’à la première colonisation de la quatrième planète. Et cela ne relève pas de la science-fiction, même si parfois cela en a le délicat parfum.
S’il est quelqu’un en France qui soit en mesure de faire le point sur le sujet, c’est bien Philippe Coué, auteur de plusieurs ouvrages remarquables. Si son livre fait preuve de clarté, cette caractéristique est renforcée par l’abondante iconographie documentaire : schémas et vues d’artiste viennent illustrer fort à propos le texte. Voilà donc l’ouvrage qui vous permettra de vous apercevoir que le sommeil dans lequel semble plongée la conquête spatiale n’est qu’illusion. Passionnant.
Philippe Ballarini
240 pages, 16,5 x 24 cm, broché
0,445 kg