Vous êtes ici : Non classé   

Rêves d’Icare

Pionniers et aventuriers du vol non motorisé
Gérard Guerrier

Le sous-titre de cet ouvrage en est un bon résumé « Pionniers et aventuriers du vol non motorisé ». Mais il faut garder en mémoire le titre principal « Rêves d’Icare », nous y reviendrons.

La plupart des ouvrages racontant la grande histoire de l’aviation commencent par un chapitre consacré à sa préhistoire, les contes et légendes, les inventeurs d’un lointain passé et les pionniers de toutes natures. Ici, c’est la première moitié du livre qui nous raconte, avec beaucoup de recul et sans exagération, cette Genèse. La mythologie est considérée très sérieusement, d’un point de vue associant sociologie et histoire des civilisations, et c’est captivant. Les raisons du non-développement de l’envie de voler dans l’obscurantisme des temps précédant le siècle des lumières sont bien expliquées. Le sérieux n’empêche pas la finesse, et on apprécie quelques petites piques amusantes habilement placées.

«  Shub devient ainsi, sans le savoir, le premier parachutiste de l’humanité. À moins que sa tunique, gonflée par l’air chaud, n’ait ralenti sa chute. Dans ce cas, il pourrait tout aussi bien être le premier aéronaute… À moins encore que, malgré ses accessoires, il n’ait chuté lourdement et préféré travestir sa mésaventure en légende glorieuse pour ne pas décourager les générations futures de prendre leur envol… »

« Si l’homme est capable de faire voler un train sans contact avec les rails à plus de 500 km/h, pourquoi un sage ne serait-il pas capable de s’élever, sans autre aide que sa propre énergie, même si l’absorption de substances psychotropes explique plus sûrement ces sensations de vol ! »

La seconde moitié de l’ouvrage est une multiple histoire des différentes disciplines du vol sans moteur, planeurs des pionniers, vol à voile, delta-plane, parapente, base-jump et, accessoirement, vol musculaire. Vous connaissez la palingénésie, cette croyance selon laquelle les mêmes événements se succéderaient sans cesse dans le même ordre, dans un mouvement de naissance, de mort et de renaissance ? C’est ce que l’on a l’impression de vivre au travers de ces pages, et l’auteur le résume bien : les pratiquants d’une nouvelle discipline ont toujours ignoré les enseignements (durement) acquis par leurs anciens.

C’est là que le titre prend toute sa valeur : ce ne sont pas les rêves de Dédale, l’ingénieur et prudent pilote. Ce sont ceux d’Icare, plus impétueux, plus dynamique, mais moins réfléchi, et se terminant souvent dans la souffrance. Ces pages, riches d’anecdotes, tournent régulièrement à l’hécatombe. L’ode au vol libre devient alors jeu de massacre, mais telle est l’Histoire. Pour le base-jump, l’auteur nous parle même de « la saignée de 2014 à 2018 ». Mais, pour le parapente, l’histoire ici présentée est passionnante car pas seulement limitée aux expériences de Mieussy habituellement relatées.

Techniquement, le livre est beau, avec sa reliure soignée, son dos carré et son papier de bonne qualité, le plumage valant le grammage… Les illustrations sont remarquables. A ne pas rater, la planche du dessinateur – et libériste – Reiser, sur le vol en delta-plane ! Les textes sont très agréables à lire, rédigés de belle façon (*). On apprécie l’absence de flagornerie, et l’auteur n’est pas tendre avec les pratiques commerciales des frères Wright ou l’oubli du nom de John Dickenson à la faveur des seules « ailes Rogallo ». Pour le vol musculaire, citons cette jolie formule «  Aéronefs et bicyclettes étaient donc voués à convoler ». Pour le vol à voile, il est dommage que l’histoire ici présentée s’arrête alors que les performances commencent à prendre de l’ampleur.

C’est donc au total un bien joli livre, qui ravira bien entendu principalement les adeptes des disciplines aériennes non motorisées, en espérant qu’il les incitera à rêver surtout comme Dédale, et un peu moins comme Icare !

Jean-Noël Violette

(*) Notes :

– dans un livre aussi bien écrit, il est dommage de rencontrer à plusieurs reprises le terme anglo-saxon « crash » (pages 34, 90, 154, 158 et 188) ou, page 207, le faux-ami « tarmac » adoré des journalistes télévisés !

– non, page 123, Natale Palli ne tentait pas un raid Paris-Rome. Quand il est mort, suite à son écrasement dans la vallée de la Tarentaise, c’était certes en haute montagne, mais il tentait à l’inverse de gagner Paris depuis Udine pour transmettre un message de Gabrielle d’Annunzio. De plus, son coéquipier, dans un autre avion, a bien réussi à passer. L’erreur initiale est (actuellement) dans la page Wikipédia, qu’il ne faut pas prendre comme référence.


240 pages, 20 x 26 cm, relié, couverture rigide

En bref

ISBN 9782375023082

37 €