S’il était difficile d’échapper dans la presse spécialisée à la commémoration du centenaire de la première traversée de la Méditerranée en avion, il est à craindre que pour une bonne part du grand public, Roland Garros demeure encore un joueur de tennis… malgré le nombre d’ouvrages régulièrement apparus depuis lors, y compris les remarquables mémoires du pilote, édités par son camarade de lycée Jacques Quellennec. Peut-être faut-il un ouvrage plus attrayant, comme ce beau livre d’Éric Boulogne qui vient de paraître, pour qu’on se souvienne de l’extraordinaire popularité qui fut celle de ce jeune étudiant à peine sorti de son école de commerce, jusqu’à sa disparition quelques semaines avant la fin de la Première Guerre mondiale.
Nous avons plusieurs fois par le passé exprimé nos réserves à l’égard de ces albums rassemblant des cartes postales anciennes et tentant de faire vibrer chez le lecteur la corde du « bon vieux temps », tout en reconnaissant que les droits de reproduction réclamés par certaines institutions publiques étaient une sorte de pousse-au-crime ! Rien de tout cela ici, où les reproductions de cartes viennent illustrer un texte solide et bien écrit, même s’il n’apporte pas d’informations inédites ― ce à quoi il n’a aucune prétention. Retracer la vie d’un personnage aussi populaire que le fut Roland Garros à travers ces photos de grande diffusion pose d’ailleurs assez peu de problème, tant les éditions furent nombreuses ― il suffit simplement d’un minimum de sens critique, en sachant traquer les montage comme l’a fait Éric Boulogne, et on est surpris, grâce à de belles reproduction, de la qualité de certains clichés.
La part la plus originale de l’ouvrage, édité à la Réunion où l’aviateur passa sa petite enfance, tient à la reproduction d’articles tirés de la presse locale de l’île de l’Océan Indien tout au long du récit. Tout comme pour la reproduction des cartes postales, il ne s’agit pas pour l’auteur d’émailler son récit d’extraits pittoresques, mais bien de nous montrer comment les événements métropolitains étaient vécus avec un retard non négligeable, en un lieu où la navigation aérienne demeurait pour beaucoup une vue de l’esprit. Au final, ce livre constitue un bel hommage sympathique à la carrière fulgurante de celui qui fut l’un des plus brillants parmi les premiers pilotes français.
Pierre-François Mary
176 pages, 23,5 x 28,5 cm, relié