Vous êtes ici : Récits et romans   

Rosée de feu

Xavier Mauméjean

Imaginons un univers parallèle. Un univers où les dragons auraient été domestiqués, et utilisés en Asie comme les destriers le furent chez nous. Un univers où la révolution industrielle et les machines volantes qui suivirent ne furent pour les Européens et Américains qu’un moyen de rejoindre les Nippons dans les airs.
Dans cet univers, la guerre du Pacifique n’oppose plus aux Wildcat des Zero, mais des dragons de chair et de sang. Ceux-ci sont équipés d’une selle et d’un habitacle — ils peuvent voler à plus de 500 km/h — et utilisent d’autres armes : leurs griffes et leur capacité à cracher le feu sont aussi redoutables que les mitrailleuses de 7,7 mm dont ils sont parfois équipés en plus. Leurs monteurs sont autant des pilotes que des centaures, établissant une liaison non seulement mécanique, mais aussi visuelle et presque télépathique avec les lézards ailés.
Ce monde, c’est celui de Rosée de feu, où paradoxalement l’histoire contemporaine n’est pas bouleversée : le Japon a tout de même attendu 1937 pour entrer en guerre contre la Chine, l’attaque de Pearl Harbor a eu lieu normalement, et les dragons conservent les qualités et défauts du Zero, ce qui diminue l’aspect uchronique du livre.

L’histoire débouche donc, comme dans la réalité, sur la création d’un corps de percuteurs volontaires, les « groupes d’attaque spéciaux ». Tatsuo, dont l’ouvrage suit l’histoire à partir de ses débuts de pilote, rejoindra ce corps et deviendra l’un des escorteurs, dont le rôle est de protéger l’avancée des kamikaze et de rentrer rendre compte des résultats des attaques.
Ce n’est heureusement pas le seul intérêt du livre, qui suit en réalité trois niveaux hiérarchiques et trois âges de la vie d’homme : les créateurs des groupes d’attaque spéciaux, hommes d’âge mûr ; les pilotes, jeunes volontaires ; et enfin le frère cadet de Tatsuo, écolier campagnard. De nombreuses petites histoires dans la grande histoire, qui forment un tableau complet et plutôt bien agencé, côté civil comme côté militaire.

La narration est fluide, simple, quoique parfois inutilement ambiguë par l’utilisation alternative d’une traduction ou d’un terme japonais — par exemple, « Ton-Chan » et « Cochon Gras » se suivent régulièrement. Xavier Mauméjean n’en fait pas des tonnes, évitant tout pathos excessif et comptant sur les faits et quelques détails comportementaux pour parler d’eux-mêmes ; globalement, le pari est réussi et Rosée de feu se lit agréablement de bout en bout.

Reste tout de même une question : pourquoi le côté fantastique qui consiste à remplacer avions japonais par dragons (qui culmine dans un final qu’on évitera de révéler) ? Au fond, cela ne change rien à l’histoire contée, et le roman se retrouve un peu bancal, hésitant entre « fantasy » et roman historique.

Franck Mée


212 pages, 21 x 29,7 cm, broché

En bref

Le Bélial’ Éditions

ISBN 978-2-84344-100-4

19 €