Ryanair, compagnie low cost incontournable, est très souvent sous les feux de l’actualité. Qu’il s’agisse d’une nouvelle provocation de son très médiatique président Michael O’Leary ou d’affaires judiciaires concernant bien souvent le droit du travail de ses salariés. Enfin, par « salariés », il faut comprendre les nombreux prestataires individuels qui travaillent sous contrat avec les différentes sociétés qui composent cette compagnie aérienne, un mode de recrutement qui concerne également le personnel navigant.
Si ce livre est signé Christian Fletcher, il s’agit bien évidemment d’un pseudonyme choisi en référence au meneur des mutinés du Bounty, l’anonymat de son témoignage étant justifié par le risque de représailles que pourrait entreprendre son employeur. Car chez Ryanair, on ne rigole pas : le statut précaire des employés permet de leur mettre une pression énorme, même si l’objectif officiel est la réduction des coûts. Ceux qui se plient aux contraintes, parfois étonnantes, de leur direction arrivent cependant à gagner leur vie, les autres peuvent se retrouver dans des situations ubuesques. Or, en période de crise dans l’aérien, il va de soi qu’un pilote qui s’est largement endetté pour sa formation ne va pas prendre le risque de perdre un boulot, puisque les postes dans les cockpits sont désormais très difficiles à trouver.
Le constat que dresse Christian Fletcher sur la pression exercée sur les équipes de Ryanair est effarant et il y a tout lieu de croire qu’il n’est pas exagéré. Cette entreprise – qui est en fait une société financière avide de subventions en tous genres ayant pour activité annexe le transport de passagers – a réussi à empêcher l’implantation de syndicats. Il n’existe donc pas de contre-pouvoir à celui de Michael O’Leary. Ce qu’explique Christian Fletcher, c’est que, paradoxalement, le low cost coûte cher. Il coûte cher à ceux qui travaillent chez Ryanair – et sa démonstration est imparable – il coûte également cher aux contribuables des pays et des régions où cette compagnie s’installe.
Reste le point essentiel : est-ce que ce mode de fonctionnement a un impact sur la sécurité des vols. Aujourd’hui, Ryanair n’a pas eu à déplorer de catastrophe majeure. Comme toute compagnie, elle a connu des alertes chaudes, et certaines ont été effectivement dues à l’organisation de la compagnie. Personnels exténués, déplacés de base en base comme de simples pions sans aucune considération, politique de réduction de coût menée avec acharnement en particulier sur les calculs de carburant, il n’y a pas que la qualité de l’entretien des avions qui entre en ligne de compte. Et à ce petit jeu-là, c’est le modèle économique low cost qui aurait beaucoup à perdre en cas de crash. Les passagers acceptent déjà d’être traités comme du bétail en raison du faible coût (encore que tout est relatif) du billet de base, mais si leur sécurité est en jeu, la donne pourrait changer.
C’est ce constat que fait l’auteur et son livre devrait donner à réfléchir lorsqu’il s’agira de prendre un billet sur cette compagnie. Pour autant, ce n’est pas un livre vindicatif : il s’agit d’un exposé convaincant, clair et argumenté, ce qui renforce son impact. C’est un document à lire absolument… qu’on soit client ou pas de Ryanair.
Frédéric Marsaly
322 pages, 15,3 x 24 cm, broché