Au premier abord, il apparait vraiment étonnant de découvrir un livre sur les opérations aéroportées américaines en Normandie écrit par un auteur allemand. Ce spécialiste des fortifications avait déjà publié un ouvrage similaire sur les aéroportés britanniques du 6 juin 1944 et il poursuit donc avec cet ouvrage dans la même lignée. Un long avant-propos vire assez vite à l’autosatisfaction de l’auteur, qui serait le seul à avoir démêlé le vrai du faux en 75 ans. Il faut passer outre et continuer la lecture pour arriver au début du récit à proprement parler afin de retrouver une narration plus classique. Étonnamment, plusieurs notes du traducteur (NDT) contredisent ou édulcorent les propos de l’auteur. On peut remercier l’éditeur pour cette honnêteté intellectuelle vis-à-vis du lectorat.
Le plan de Sainte-Mère-Église de la page 74 ou celui des DZ page 80 sont des excellents appoints, mais ils auraient gagnés à être placés plus tôt dans la chronologie des événements. Justement, la chronologie de ces parachutages, atterrissages, combats, est particulièrement ardue à reconstituer, étant donné le nombre de combattants concernés, l’ampleur géographique, les archives lacunaires quant aux horaires, et la faiblesse des témoignages humains. Sur ce point, l’auteur remplit honorablement sa tâche. Les connaisseurs de l’aviation souriront en apprenant que les planeurs sont recouverts de toile goudronnée, ou bien que le C-47 a trois moteurs (page 61) ; la nationalité de l’auteur, qui aura confondu avec un Junkers Ju 52-3m, sans doute…
Il manque plusieurs notes de bas de page, et quelques fautes de français se sont glissées dans la traduction. Au passage, le mot « crash » n’est pas français, faut-il encore une fois le rappeler ? L’écriture est fluide, et s’agissant quand même d’un ouvrage historique « pointu », l’utilisation de certains mots étrangers, ou de leurs abréviations, peut rendre la lecture un peu plus difficile. Certains mots allemands ont été laissés dans la langue de Goethe, et le glossaire en début d’ouvrage est fort utile mais aurait gagné à être plus complet.
Côté illustrations, la majorité des images proviennent des archives américaines (NARA), mais la qualité de reproduction laisse à désirer ; globalement, on peut regretter une taille trop petite et une publication pas toujours en regard du texte correspondant. Certains plans comme celui de la minoterie Lagouche sont eux aussi trop petits pour être lisibles. Plusieurs clichés sont particulièrement connus et heureusement, ils sont accompagnés d’autres plus rares, ainsi que de photographies prêtées par les anciens combattants ou leurs familles, voire prises plus récemment lors de visites ou commémorations. La petite taille de l’iconographie est réellement un défaut récurrent du livre. Contrairement aux publications habituelles de Heimdal dans lesquelles la forme est laissée à un maquettiste aimant jouer avec les illustrations, les angles, le détourage, ici le style est la sobriété même. L’ouvrage ne contient aucune annexe, pas d’organigramme, aucune liste détaillée des combattants, des tués au combat. Au niveau des sources, il s’agit pour l’essentiel de témoignages et d’ouvrages publiés, et de très peu d’archives officielles, notamment aucun journal d’opérations des unités impliquées.
Cet ouvrage finalement assez aride par son texte dense et touffu, et la complexité de ce qu’il raconte, plaira aux historiens exigeants surtout intéressés par les combats au sol ou le Débarquement en Normandie davantage qu’aux passionnés d’aviation pour lesquels l’intérêt sera plus périphérique. Avec une iconographie mieux reproduite et d’une taille supérieure, la taille du livre aurait été certes plus grande, et probablement son prix plus élevé, mais le sujet encore mieux traité.
Jocelyn Leclercq
196 pages, 18,8 x 24,5 cm, relié
0,750 kg