Vous connaissez forcément l’histoire de la traversée New York-Paris sans escale par Charles Lindbergh, déjà largement narrée dans des œuvres allant de l’aride documentaire à la plus fantaisiste des fictions. Vous connaissez également Manfred von Richthofen, Baron rouge, as des as de la première Guerre mondiale, lui aussi héros d’une grande variété de films et de livres (et célèbre Némésis de Snoopy).
On ne peut donc pas dire que, pour lancer leur série Sky Heroes, François Cusset, Bertrand Dévé et Vincent Legrand aient choisi des thèmes originaux. Ils misent plus sur le format, la présentation et la construction de leurs « docu-fictions » pour convaincre. Leur but : trouver un équilibre entre documentation et narration entraînante. La méthode retenue : mêler images d’archives et animation, réalisée en motion capture (enregistrement du mouvement d’acteurs réels) pour gagner en réalisme.
Le Spirit of St Louis décolle en archives colorisées…
© Yes Sir – Reproduction interdite
…et arrive au Bourget en animation.
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Le résultat est franchement réussi. Bien entendu, malgré une certaine attention aux détails et les interventions d’experts venant apporter une analyse supplémentaire, les techniciens et les historiens chevronnés trouveront à redire aux aspects « fiction grand public » des films. Par exemple, le Spirit of St Louis n’avait certainement pas d’alarme sonore pour le niveau d’essence — sans parler de péripéties ajoutées pour soutenir le suspense ! Mais les auteurs assument totalement ces choix, revendiquant l’aspect divertissant de leurs œuvres et les présentant plus comme des introductions à l’héroïsme que comme des documentaires purs et durs.
Le format court (26 minutes par épisode) se prête assez bien à l’exercice : il ne laisse pas le temps d’un traité technique mais autorise une vision synthétique des éléments essentiels, tout en laissant la place à une narration enlevée, rythmée par l’alternance entre images d’archives et dessin animé. On apprécie particulièrement le soin apporté à la colorisation des premières, qui ne vise pas au réalisme artificiel mais assure une harmonie de teintes avec les parties animées — le départ de Lindbergh alterne les sources à plusieurs reprises, sans pour autant heurter la rétine du spectateur. Le mélange est évidemment plus délicat pour Richthofen, dont les images d’archives sont plus rares et beaucoup plus dégradées, mais ce deuxième épisode compense par une narration plus travaillée, moins hagiographique, et un travail historique plus important.
La qualité des images d’archives de la Première Guerre mondiale est très variable,
mais le travail de restauration et de colorisation est soigné.
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Sky Heroes ne s’adresse évidemment pas aux historiens puristes. C’est une belle introduction à l’aviation « héroïque », avec les limites que cela suppose, mais les films sont prenants et entraînants. L’association de techniques d’animation, d’archives et de témoignages détonne dans le monde du documentaire comme dans celui de la fiction ; à la croisée des chemins, la série devrait séduire à coup sûr un public adolescent avide d’aventures… et ceux qui essaient de les intéresser à l’Histoire — lors de la projection, une enseignante de collège demandait s’il était possible de projeter l’épisode du Baron rouge à ses élèves.
Les deux premiers épisodes sont diffusés à partir du 18 mai 2017 sur Planète+, les DVD/BR et le streaming étant prévus plus tard, à une date encore inconnue. La production espère pouvoir réaliser une saison complète, différentes idées de sujets étant d’ores et déjà envisagées (Chuck Yeager, Antoine de Saint-Exupéry, Amelia Earhart…). Les deux premiers épisodes sont suffisamment prometteurs pour que nous espérions voir ces espoirs se concrétiser !
Franck Mée
Format 16/9, couleur, stéréo, 26 minutes par épisode
Diffusion sur Planète + à partir du 18 mai 2017 à 22h35 (premières rediffusions le 21/05 à 22 h 50 et le 25/05 à 9 h 55)
Sky Heroes – Trailer 1 from Yes Sir on Vimeo.