Moins spectaculaire que l’apparition de la Caravelle ou du Mirage III quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le développement de la SNECMA est pourtant l’une des preuves les plus tangibles du retour de l’industrie aéronautique française au premier plan mondial.
Qui aurait imaginé en 1944 que le motoriste français ferait 25 ans plus tard pratiquement jeu égal avec son homologue britannique pour propulser le premier avion de ligne supersonique ? Déjà significatif avant 1939, le retard pris par nos fabricants s’est alors creusé avec les belligérants et la situation que trouve le premier patron de la jeune société nationale est loin d’être reluisante ! Non seulement il faut que les différentes équipes regroupées en son sein apprennent à travailler ensemble, mais les seuls moteurs que l’on peut continuer à produire ou même espérer développer sont largement dépassés, sans compter les difficultés extrêmes que rencontre la métallurgie française pour livrer des aciers spéciaux ou des alliages de qualité.
Alors, par quel miracle ? On peut bien entendu invoquer la chance d’avoir réussir à faire venir en France l’équipe qui travaille alors sur le moteur à réaction allemand sinon le plus avancé, au moins le plus prometteur, mais ce serait ignorer la détermination et la clairvoyance de l’équipe qui dirige l’entreprise.
La série des moteurs ATAR qui naît de cette collaboration improbable au sortir du conflit participe aux premières exportations françaises et permet de travailler sur le même pied d’égalité avec les britanniques lorsqu’il faut trouver un moteur au Concorde. L’expérience des moteurs civils ainsi acquise apportera à son tour son bénéfice quand il sera le moment de lancer l’extraordinaire CFM 56. Résumer en trois étapes plus de 60 ans de l’histoire du motoriste français est certainement aller un peu vite en besogne et le lecteur la trouvera détaillée dans l’ouvrage que nous propose ici Pierre Sparaco.
Faut-il encore présenter l’auteur de nombreux ouvrages aéronautiques, en rappelant juste qu’il est probablement le seul Français à avoir jamais fait partie au plus haut niveau de l’équipe éditoriale de la revue américaine Aviation Week ?
Son but n’est pas de faire ici une histoire complète de la SNECMA, mais il s’est attaché à nous conter l’histoire des principaux programmes du motoriste, en prenant soin de faire apparaître au moment opportun les inévitables contraintes politiques, industrielles ou techniques (sans équations dans ce dernier cas, qu’on se rassure !). Grâce aux multiples témoignages qu’il a plus recueillir au cours de sa longue carrière, le résultat se lit comme un roman avec en toile de fond plus d’un demi siècle d’industrie aéronautique mondiale.
On pourra juste regretter le format choisi, un peu trop grand à notre avis. Outre le fait qu’il ne se prête peut-être pas au mieux à la longue lecture, en lui donnant un aspect de « beau livre » – de ceux qui fleurissent au moment des fêtes de fin d’année et dont l’iconographie tente parfois de faire oublier la médiocrité du texte, l’éditeur a pris le risque de détourner un certain nombre de lecteurs pour qui le coté photogénique des moteurs d’avion n’est pas flagrant. C’est dommage, car répétons-le, Pierre Sparaco nous offre ici un ouvrage passionnant qui est fait pour être lu !
Pierre-François Mary
160 pages, 25,5 x 32 cm, relié + jaquette