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Sous les bombes

Nouvelle histoire de la guerre aérienne
1939-1945
Richard Overy

Monumental, c’est le mot ! Et pas seulement par l’impressionnant volume (plus de 1100 pages), mais par sa densité. Car en prime, l’ouvrage ne laisse guère de place au bavardage. L’auteur part du constat fort juste selon lequel le Blitz et quelques opérations spectaculaires de bombardement sur L’Allemagne (Hambourg, Dresde) ont monopolisé l’attention des historiens, alors qu’on a fait relativement peu de cas des bombardements sur la France, l’Italie, la Scandinavie, la Belgique, l’URSS, la Bulgarie… Par ailleurs, les bombardements sont considérés ici comme partie intégrante de la machine de guerre, et non comme distincts des autres événements (« Bombarder l’Europe n’a jamais été un moyen de gagner la guerre »). Pour finir, l’auteur cherche à aborder la question du bombardement sous la double perspective de l’objectif poursuivi (le point de vue du « bombardeur ») et des conséquences du bombardement (le point de vue du bombardé).

On notera au passage que ce volumineux ouvrage manque de précision dans son titre français, l’original étant The bombing war Europe 1939-1945 ; seuls les théâtres d’opération européens sont visés, et si d’évidentes implications ou corrélations avec l’Extrême-Orient sont envisageables, les raids sur le Japon, qu’ils soient incendiaires ou nucléaires, n’entrent pas dans le champ de l’étude.

Le rideau s’ouvre dans un prologue sur les bombardements de Sofia, la capitale bulgare, dont il est si rarement fait état, assorti de réflexions plus générales sur le bombardement, ses implications politiques, humaines et morales. Il est patent que Richard Overy est hostile à la pratique du bombardement stratégique, en particulier du bombardement de zone, mais cela ne fait pas pour autant de ce livre un plaidoyer militant. D’ailleurs, l’auteur ne s’épargne pas certaines contradictions : on reproche par exemple souvent au bombardement massif une certaine inutilité, mais il est rappelé ici que les raids sur Sofia avaient puissamment contribué à l’effondrement politique d’un pays lié au IIIe Reich.

À moins de reproduire servilement la table des matières, il serait présomptueux de vouloir évoquer par le menu l’intégralité de l’ouvrage, d’autant plus qu’il relève d’un découpage qui ne paraît pas nécessairement d’une grande rationalité. Celui-ci n’est ni tout à fait chronologique, ni tout à fait géographique et amène à une lecture assez linéaire du livre, en partant de la page 9 pour aller jusqu’à la page 869 où commencent les annexes. Nous sommes en présence d’un ouvrage d’une richesse flamboyante, dont tout un chacun pourra tirer des enseignements, mais qui, en dépit d’une traduction de qualité, surprendra le lecteur francophone accoutumé à un découpage plus méthodique. Cette « richesse flamboyante » pourra paraître à certains un tantinet brouillonne : cet aspect diffus pourra empêcher de considérer ce livre comme un ouvrage de référence, car difficile à utiliser pour y retrouver l’information nécessaire dans un délai raisonnable. Nous signalerons néanmoins la présence d’un index des noms cités, ici absolument indispensable (25 pages sur deux colonnes), et qui rend le livre plus exploitable. Les annexes occupent la bagatelle de… 302 pages ! Elles regroupent (hélas à nos yeux) les centaines de notes dont la brièveté aurait pu permettre de les placer en bas de page, directement accessibles au lecteur : chacun sait que dans un ouvrage volumineux, rares sont ceux qui chercheront éperdument à la fin du livre la note qui l’intéresse.

Ces petits défauts ne sont tout de même pas des vices, et cela ne devrait pas jeter une ombre sur l’excellence de l’ouvrage dont le seul défaut est qu’il s’avère un peu trop anglo-saxon pour être cartésien, et qu’après une lecture enrichissante autant que passionnante, il n’est pas très évident (hors l’usage de l’index) d’y retrouver un passage ou un élément précis. La meilleure solution consiste peut-être à se munir d’un bloc-notes avant sa lecture. En tout cas, passer à côté de ce livre remarquable serait une erreur de taille lorsque l’on s’intéresse à la Seconde Guerre mondiale et à la guerre aérienne.

Philippe Ballarini


1120 pages, 15 x 24 cm , broché
2 cahiers photos de 8 pages
1,085 kg

Traduction de Séverine Weiss

En bref

Flammarion

ISBN 978-2-08-133131-0

35 €