Spitfire. Une mégère dont le nom a marqué l’Histoire, parfois créditée d’avoir sauvé l’Angleterre de l’invasion (par ceux qui oublient trop facilement le rôle majeur du Hurricane). Un des plus beaux avions du monde, de l’avis de tous ceux qui l’ont vu, par la grâce d’une aile elliptique à la pureté inégalée. Comment donc Supermarine est-elle passée d’hydravions efficaces mais laids à un chasseur aussi hideux que raté, avant d’arriver à ce chef-d’œuvre incontestable ?
C’est l’histoire que Jean-Pierre Pécau et Christophe Gibelin ont choisi de nous conter. Avec bon nombre d’adaptations historiques – habitué aux uchronies, Pécau aime toujours prendre des libertés avec la réalité. Avec, aussi, quelques maladresses narratives, comme cette évocation de l’hélice à pas variable qui tombe comme un cheveu sur la soupe, au milieu d’explications sur l’armement, comme si l’auteur n’avait pas su se résigner à passer sous silence cette évolution majeure mais n’avait pas trouvé comment l’intégrer proprement. Mais il s’agit là de détails : dans l’ensemble, le scénario est clair, entraînant, et présente assez bien le cheminement qui mène de la coupe Schneider au ciel de la bataille d’Angleterre. Le Spitfire et son père, Reginald Mitchell, sont bien mis à l’honneur, ainsi que quelques seconds rôles moins connus mais tout aussi importants – Beverley Shenstone, Jeffrey Quill, Tilly Shilling…
Gibelin n’a rien à prouver sur le plan graphique, et l’album est sans surprise très propre, avec des personnages expressifs et reconnaissables et des appareils aux formes et proportions bien rendues. Les plus exigeants pourront trouver une aile un peu plate au Type 224, mais il s’agit là de pinaillage. La mise en couleur manque aussi de naturel sur les visages, mais sa clarté et sa limpidité font merveille, des scènes aériennes à l’ombre des usines en passant par un petit matin sur le Kent.
Le résultat est donc un album sympathique, un bel hommage à un bel oiseau et à ses créateurs. Les petites trahisons historiques feront tordre le nez des plus exigeants dans ce domaine, mais c’est un beau cadeau pour découvrir un peu plus en profondeur l’histoire technique et humaine qui donna à la RAF sa mégère la plus attachante.
Franck Mée
72 pages, 24 x 32 cm, couverture cartonnée
La collection « Ailes de légende »
Avec l’aimable autorisation des© Éditions Delcourt
Avec l’aimable autorisation des© Éditions Delcourt