Après son excellente biographie du baron Jean de Selys Longchamps, à laquelle l’Aérobibliothèque avait décerné un coup de cœur en 2023, et qui a reçu depuis d’autres récompenses, Marc Audrit s’est attaché à raconter la vie d’un autre aviateur belge qui a combattu et a perdu la vie au cours de la seconde guerre mondiale, Charles Goffin.
Ce pilote est, comme l’auteur l’explique, très peu connu alors qu’il a obtenu deux victoires en combat aérien, volant sur Fiat CR.42 pendant la campagne des 18 jours, en mai 1940, et surtout, le sous-titre l’évoque clairement, il a été pilote dans l’armée de l’air américaine.
A ce titre, il est dommage d’avoir, par simplification, utilisé l’appellation U.S. Air Force, qui n’a été créée qu’en 1947, là où U.S. Army Air Force était historiquement correct. Le passage de l’U.S. Army Air Corps à l’U.S. Army Air Force est pourtant bien cité dans le corps de l’ouvrage, mais c’est le nom d’après guerre qui est le plus souvent utilisé. Cette appartenance à l’armée de l’air des États-Unis d’Amérique ne couvre que deux années de la vie du pilote belge, mais il est et restera à jamais le premier Belge à avoir reçu les silver wings, les ailes de pilote américaines.
Mais bien avant cela, Charles Goffin s’était engagé dans l’école militaire, et à sa sortie avait opté pour l’aéronautique militaire. Initialement breveté observateur comme c’est l’habitude de l’époque, il obtient dans la foulée son brevet de pilote. Ses avions d’armes sont essentiellement le Fairey Firefly puis le Fiat CR.42. Charles Goffin fait partie de ces pilotes qui ont été repliés en France, notamment à Chartres. Les espoirs de voler sur des chasseurs français, voire des chasseurs de la Royal Air Force, ne se matérialiseront jamais. A peine revenu en Belgique, il est interné et finira par s’évader. Il passe en France puis en Espagne, et sera emprisonné dans la prison de Miranda, de triste réputation. Il finit par arriver en Grande-Bretagne, mais sa détention espagnole a abîmé son acuité visuelle et il ne satisfait plus aux minimas de la R.A.F.. C’est alors que l’opportunité de rejoindre l’armée de l’air américaine, initialement dans un poste au sol, et en acceptant, lui l’officier, un grade de Staff Sergeant (sergent-chef) montre sa détermination intacte. Il peut dispenser son expérience du combat de mai 1940 aux pilotes américains non aguerris. Puis il parvient à être affecté à un groupe de reconnaissance photographique au début de 1944.
Redevenu pilote de combat, sur Spitfire PR XI, sans arme, juste deux appareils photographiques dans le fuselage, il va accomplir au printemps et à l’été 1944 de nombreuses missions sur la France, l’Allemagne, et sa Belgique natale. C’est au cours de la 32ème, le 8 septembre 1944, que son avion est probablement atteint par la Flak au dessus du IIIe Reich. Il tente de rentrer mais s’écrase au Luxembourg en tentant un atterrissage d’urgence. Il avait 31 ans. Deux jours plus tard, son village est libéré par les Alliés.
Le livre est composé de 12 chapitres, aux titres faisant souvent référence à la culture populaire, comme Marc Audrit l’avait fait pour son précédent ouvrage : Des racines et des ailes, l’école des aigles, pour l’honneur des cocardes, est-ce que ce monde est sérieux ? un héros très discret, pour n’en citer que quelques uns.
Le récit est chronologique, comme il sied logiquement à une biographie. L’ensemble est équilibré, étayé, illustré par des documents anciens ou parfois des vues contemporaines. L’iconographie est bien reproduite, montrant Charles Goffin bien sur mais aussi les pilotes qu’il a côtoyés, les machines qu’il a pilotées, les aérodromes où il a été stationné. Quelques profils couleurs complètent les illustrations.
Bibliographie sélective et remerciements achèvent le livre, débuté par une préface de George Castermans (silver wings obtenues en 1952) et une introduction.
Marc Audrit a produit ici encore une excellente biographie, parfaitement recherchée, très bien rédigée, et qui sort de l’ombre un aviateur discret, mais aussi ses camarades de combat, et éclaire d’un jour nouveau les difficultés que nombre de combattants des pays occupés ont du affronter pour continuer la lutte contre l’Allemagne nazie.
Jocelyn Leclercq