Parue en octobre 2022, cette biographie d’un aviateur est la première incursion dans l’aviation de l’éditeur bruxellois Weyrich, spécialisé dans l’histoire militaire (infanterie et blindés). Elle a été rédigée par Philippe Erkes, le fils de Pierre, devenu Peter dans la Royal Air Force. Comme à son habitude, l’éditeur a soigné la fabrication : une solide couverture cartonnée, un dos carré, un façonnage soigné.
C’est la découverte de deux boites dans les combles de l’appartement maternel qui fait prendre conscience à Philippe Erkes de l’épopée vécue par son père pendant la deuxième guerre mondiale. On devine un père taiseux, qui ne parlait pas de ce qu’il avait fait et connu, et le chemin de mémoire emprunté par le fils pour savoir et comprendre, après le décès du père. Ces boites contenaient des albums de photos, des papiers divers et un carnet de vol de pilote.
Le livre est composé de trois chapitres, l’évasion (d’Anvers à Londres, 1941-1942), y compris la jeunesse et la famille de Pierre Erkes, la formation au pilotage par la R.A.F. (1943-1944) et la carrière opérationnelle (1944-1945), au sein du No. 349 Squadron, une des deux unités belges de la Royal Air Force.
L’évasion de Pierre Erkes, son passage de la Belgique occupée à la Grande-Bretagne a ceci de particulier qu’elle s’effectue avec son père Albert, âgé de 48 ans. Capturé en mai 1940, il est libéré en 1941 car domicilié à Anvers et considéré comme flamand, alors qu’il était francophone. Parti en novembre 1941, père et fils arrivent outre Manche en février 1942, et le fils de 19 ans commence alors le long processus de sélection et de formation. Il est envoyé en janvier 1943 au Canada où il obtient ses ailes de pilote en août. Il est affecté au No. 349 Squadron belge le 6 juin 1944, avec quatre autres jeunes pilotes tous frais émoulus des écoles d’entrainement, mais n’ayant jamais piloté de Spitfire IX, la version en service à l’unité. Quelques vols de prise en main lui permettent de réaliser son premier vol de guerre le 11 juin 1944 au dessus des plages de Normandie. Il sera ensuite de toutes les campagnes de son unité, jusqu’en mai 1945, perdant au passage des amis. Une fois la paix revenue, il reprend ses études de génie civil abandonnées en 1941 et laisse derrière lui ses faits d’armes. Il disparait en 1999.
Philippe Erkes qui n’est pas du tout spécialiste de l’aviation, a globalement réussi à faire connaitre et comprendre la carrière de pilote de son père, héros si discret. Il s’est basé sur les archives familiales, surtout le carnet de vol, et une poignée d’ouvrages qu’il cite beaucoup, et auxquels il fait de fréquents emprunts, signalés par des notes de bas de page. Le tout est parfaitement écrit, dans un excellent français mais par petites touches, sa méconnaissance de l’aviation militaire de la deuxième guerre mondiale en général, et de la Royal Air Force en particulier, apparaissent régulièrement. Rien qui n’empêche fondamentalement de suivre le récit, mais pour le lecteur bon connaisseur du sujet, ces détails peuvent finir par irriter. Aucune archive ne semble avoir été utilisée en dehors du log book, ce qui aurait permis de donner un peu plus de détails, de corroborer des éléments. Il aurait fallu la relecture d’un spécialiste pour corriger les petites erreurs et expliquer davantage certaines notions pour le lectorat béotien en matière d’aviation.
L’ouvrage est illustré de photographies noir et blanc, certaines issues de la collection familiale. L’ensemble est faiblement légendé, la plupart du temps sans identification des personnels. Un profil couleur assez incertain a été inséré. On peut à juste titre regretter qu’il n’y ait qu’une seule double page du fameux log book qui ait été reproduite, car outre son réel intérêt documentaire, elle permet de corriger une incompréhension de Philippe Erkes sur son contenu : C’est la Flak qui est lourde, pas le bombardement dont Peter assure l’escorte.
Il ressort de ce livre que la grande majorité des aviateurs de la deuxième guerre mondiale ont été des héros très discrets, et le travail de Philippe Erkes démontre que chacun pourrait mériter une biographie. Bien écrite, facile à lire, cette biographie complète avec intérêt celles d’autres pilotes belges du second conflit mondial.
Jocelyn Leclercq
176 pages, 16 x 23 cm, couverture cartonnée, 0,615 kg