Sylvia Castel a le sang un peu chaud. Quand, début 2022, on l’envoie bombarder un groupe de Syriens qui tire sur une patrouille française1, au lieu de rentrer comme prévu une fois le tir effectué, elle en profite pour aller vadrouiller dans le désert, trouver une colonne de Land Cruiser, l’attaquer à l’improvisade, se faire plomber et s’éjecter en territoire ennemi. Elle est donc « punie » en quittant son Rafale et la Syrie pour un Mirage et la mer Baltique, où un missile russe vient de descendre un X-37B en orbite basse.
Après la Seconde Guerre mondiale, avec Ciel en ruine, Ciel de guerre et Inferno : verticale Hambourg, Philippe Pinard s’essaie donc à l’époque moderne. Il reprend pour cela une vieille recette de Charlier : le pilote surdoué et va-t-en-guerre à qui l’on propose de passer sous silence une énorme faute en échange de sa participation à une opération secrète. Ce n’est pas le seul point qui fleure bon les années 60, comme le montrent les échanges entre Sylvia et sa mère, la présentation de la méchante ennemie de l’héroïne, ou les explications techniques (ici, la magnétohydrodynamique) intégrées brutalement au scénario…

Aux pinceaux, nous découvrons Bad, dont c’est la première véritable expérience aéronautique – il avait participé à un album sur les 24 heures du Mans 1999, édition restée célèbre chez les aviateurs pour les envols de Mercedes CLR. Il reprend des erreurs hélas communes, comme des becs de bord d’attaque sortis alors que l’avion est en croisière ou rentrés pendant un virage serré. Plus gênant, la gestion des formes et proportions est inégale, notamment sur les Rafale des premières planches. Les personnages ont également des mâchoires ou des nez plus ou moins gros d’une case à l’autre… Rien de dramatique, mais le dessin n’est pas du niveau d’un Dauger ou d’un Callixte – pour citer des dessinateurs adeptes de ce style classique.
Un scénario entraînant mais inégal associé à un dessin sympathique mais manquant de maturité (ou pressé par le temps, l’album étant imprégné d’actualité brûlante) : ce premier volume des aventures de Sylvia Castel fera un bon cadeau pour un(e) jeune adolescent(e) passionné(e) d’aviation, mais il risque de laisser le public adulte sur sa faim.
Franck Mée
48 pages, 24 × 32 cm, cartonné

© Éditions Paquet

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- Ce qui en soi est étonnant, l’offensive de Deir-ez-Zor s’étant terminée deux ans plus tôt.[↩]