Les campagnes de bombardement aérien qui eurent lieu au Vietnam, dans l’ex-Yougoslavie ou en Irak pendant les guerres du Golfe sont une application des théories de bombardement stratégique développées essentiellement entre 1917 et 1943. Au cours de la première moitié du XXe siècle, la stratégie du bombardement est loin d’être restée figée, du point de vue même de son objectif global, et cette évolution est ici particulièrement bien détaillée.
Un premier chapitre, précédé d’un avant-propos, établit les bases théoriques, précisant les notions. On y trouve des définitions de concepts majeurs en matière de stratégie militaire, comme l’incontournable maîtrise de l’air* ou le(s) centre(s) de gravité*. À tout seigneur, tout honneur. Ce chapitre premier, plutôt généraliste, ouvre la porte aux deux suivants, dédiés à la personne et à la pensée de deux personnages fondateurs auxquels on pense immédiatement dès qu’il s’agit de stratégie aérienne : Giulio Douhet et William Mitchell, dont sont étudiées en profondeur les doctrines et l’influence sur la pensée militaire aérienne. Mais à ces deux noms, Serge Gadal en ajoute deux autres, généralement méconnus : William C. Sherman, auteur de Air Warfare, une approche globale de la stratégie et de la tactique aériennes, et Alexandre de Seversky, davantage connu généralement dans son activité d’avionneur. Deux autres chapitres sont consacrés, l’un à l’Air Corps Tactical School, émanation des idées de Mitchell, l’autre au plan de guerre A.W.P.D.-1* qui dicta la stratégie aérienne américaine pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cet ouvrage est la thèse de doctorat — à peine retouchée — de Serge Gadal. Livre d’universitaire, très dense, il n’en est pas moins accessible et s’avèrera d’un grand intérêt pour le lecteur avide d’informations sur la stratégie aérienne d’autant plus que l’auteur est l’un des meilleurs spécialistes du sujet. Notons au passage que conformément aux us et coutumes dans ce genre d’ouvrage, les notes sont placées et bas de page et non pas reléguées en fin d’ouvrage, et qu’on trouvera en annexe une solide bibliographie. L’aspect académique de ce livre ne doit pas rebuter le lecteur potentiel : c’est en tout cas un outil de première force pour assurer compréhension et connaissance de l’évolution de la pensée militaire aérienne.
Philippe Ballarini
380 pages, 14 x 21 cm, broché
0,483 kg
* maîtrise de l’air : aujourd’hui dénommée « supériorité aérienne »
* Centre de gravité : selon Clausewitz, « le moyeu de la puissance et du mouvement, duquel tout dépend »
* A.W.P.D.-1 : Air War Plan Division-1