Joseph Thoret fait partie de ces pilotes légendaires que tout passionné d’histoire aéronautique va retrouver un jour ou l’autre sur son chemin, tout du moins au fil d’une lecture. C’est le premier pilote à tenter d’abattre un adversaire en 1914, c’est le défricheur des vols alpins dans le massif du Mont-Blanc, c’est le créateur des écoles des remous à Challes-les-Eaux et à Istres, c’est le recordman des vols hélice calée en différents points du monde, c’est le témoin désabusé des vols de durée en planeur aux Alpilles. Il est tout cela et bien plus.
Lionel Pastre l’a rencontré, au sens littéraire du terme bien sûr, lors de ses recherches pour rédiger l’aventure de ces records de durée à St Rémy-de-Provence établis pour l’éternité…
Il consacre aujourd’hui un nouvel ouvrage à ce terrible pilote aux multiples surnoms, en choisissant ici celui qu’il gagna dès ses premiers vols par des météos à ne pas mettre un avion dehors. Il nous raconte sa vie tumultueuse, et pas seulement sous le vent des reliefs.
Ce livre très complet permet de lier enfin les multiples facettes du personnage, et notamment de comprendre un peu mieux comment un pilote militaire a pu réaliser tant de prouesses à titre civil, et réciproquement. Le récit est abondamment illustré, de photos parfois inédites concernant Thoret lui-même, grâce en particulier aux archives de Pierre Chabrand, son petit-fils, et à l’occasion par d’autres clichés plus généralistes pour évoquer un lieu ou une époque.
De larges extraits d’autres publications sont insérés, des interviews de témoins de l’époque, des récits publiés dans d’autres ouvrages, et des textes de Joseph Thoret en personne. Dans ces derniers, on réalise à quel point, s’il appréciait traîner ses rémiges dans les pires turbulences, c’est dans le vitriol qu’il aimait tremper sa plume. Les portraits qu’il fait de ses contemporains, tout empreints de sa misanthropie grandissante au fil de sa vie, ou sa théorie concernant la disparition de Guynemer valent presque le déplacement à eux seuls.
La seule chose qu’il manque peut-être à cet ouvrage serait que quelques petits défauts de grammaire et de syntaxe soient filtrés. Mais ce n’est qu’un détail et au-delà de la forme, sachons apprécier sans modération le fond qui était très attendu. Et peut-être un jour irons-nous nous balader au Fayet ou aux Alpilles, pour voir si son fantôme ne se promène pas au pied des pentes, ou si son ombre n’est pas là à les survoler…
Jean-Noël Violette
272 pages, 17 x 24 cm, broché
0,873 kg