Ça y est : le premier livre sur le Tigre est arrivé. Nul doute que d’autres suivront. Mais à y bien regarder, ce premier essai ouvre aux auteurs un challenge difficile. Certes, lorsque le nom de Rémy Michelin figure sur une couverture, on s’attend à voir de belles photos. Ce livre en contient beaucoup, pour la plupart inédites, et certaines sont proprement magnifiques (celles des deux premiers Tigre opérationnels, en particulier). Mais pour autant, nous ne sommes pas face à un livre où le texte sert principalement à valoriser l’image. Le parti-pris esthétique n’étouffe pas l’écrit. Et si l’on se plaît de temps à autre à quitter pour quelques instants l’exposé chronique pour admirer la dynamique et les courbes puissantes de la machine, on revient vite à sa lecture.
Il faut dire que les textes de Dominique Gonod, pour remarquablement denses en informations qu’ils soient, ne tombent pas dans l’aridité ; ils nous emmènent au cœur du programme d’hélicoptère le plus complexe qui ait jamais été conduit en Europe. Qu’il s’agisse des aspects politiques, de la conception technique de la machine, ou encore des doctrines tactiques qui sont intervenues dans sa longue définition, aucun des chapitres importants n’est oublié. L’auteur ne néglige pas de rappeler l’antériorité européenne du programme, et de retracer l’origine et la montée en puissance du constructeur franco-allemand. Il n’oublie pas non plus de nous faire découvrir des facettes moins connues du Tigre, comme ses pérégrinations à l’export : concurrents souvent incohérents, négociations avec les britanniques, contrats australien et espagnol… On voit bien que Dominique Gonod est allé chercher l’information aux meilleures sources : il a bénéficié de l’aide de l’ALAT, et il a rencontré de nombreux acteurs essentiels du programme. Pour qui aime l’aéronautique, c’est d’ailleurs une des qualités de ce livre : les hommes du Tigre sont présents au détour de chaque page. Ce sont d’ailleurs les équipages d’essais eux-mêmes qui nous offrent, privilège rare, un cours passionnant sur la manière de piloter la bête en voltige. On appréciera aussi les annexes, qui renferment quelques points de repère fort utiles.
Ce livre n’est pas seulement une monographie de qualité, c’est aussi un bel hommage aux hommes qui ont fait cette superbe machine. Et puis on y sent ce qui, on nous le pardonnera, nous semble l’incontournable : il est l’œuvre de gens qui aiment les hélicoptères, et qui les connaissent. Le résultat est là…
Philippe Boulay
30 x21,5 cm, 130 pages