« Dans dix secondes, je serai mort… » Cette ouverture en voix off digne d’American Beauty, c’est celle de Tomcat, nouvel album de Romain Hugault et Anastasia Heinzl. Elle met tout de suite dans l’ambiance : l’histoire qui va suivre, presque entièrement construite en flash-back, n’est pas gaie.
Heinzl et Hugault nous livrent donc un récit à la première personne, raconté par un des vainqueurs de l’incident du golfe de Syrte. Il nous parle de sa vie, de sa naissance à la fin 1977 à sa mort en 1994 en passant par son fait d’armes de 1981. Il nous parle également de sa dernière pilote, Kara Hultgreen, morte avec lui suite à l’un des innombrables décrochages d’un réacteur Pratt & Whitney TF301. Ce drame en trois actes est bien mené, avec un équilibre réussi entre action effrénée et séquences plus posées, ainsi qu’une touche d’humour çà et là. On notera tout de même une paire de maladresses, comme ce dérapage qui « bouche » une entrée d’air – « dévente » ou « masque » auraient été des termes plus adaptés.
Le dessin est, à l’habitude d’Hugault, extrêmement soigné sur les machines (les compteurs de rivets les plus aguerris se demanderont tout de même si des Tomcat et des Su-22 en combat tournoyant subsonique avaient les ailes totalement repliées, ou plutôt sur une position intermédiaire), expressif et parfois un poil exagéré sur les personnages, mais toujours dynamique et élégant. Les nombreux clins d’œil à Top Gun, dont des séquences complètes sont reprises plus ou moins détournées, viennent également agrémenter la lecture des cinéphiles.
L’ensemble change radicalement des productions habituelles d’Hugault : pour sa première histoire vraie en bande dessinée, il s’éloigne de la BD d’aventures entraînante des Angel Wings et autres Grand-duc. Plus tragique, plus adulte et évidemment plus réaliste, sa première collaboration avec Anastasia Heinzl est une vraie réussite, tout à fait recommandée pour ceux qui s’intéressent aux avions, aux pilotes, ainsi qu’aux tournants de l’histoire récente de l’US Navy.
Franck Mée
72 pages (dont cahier de 16 pages sur le Tomcat), 24 × 32 cm, cartonné
- Problème si bien connu que, huit ans plus tôt, il servait de point de départ à la séquence dramatique de Top Gun.[↩]