Les rééditions ont cela de bien qu’elles donnent l’occasion de parler dans l’Aérobibliothèque d’un ouvrage paru la première fois il y a cinquante ans ; mais c’est un cadeau empoisonné car que peut-on encore dire de nouveau, surtout dans le cas d’un livre aussi admirable ? Disons simplement que sa lecture est indispensable pour comprendre l’aventure de la « Ligne », et même tout le développement du transport aérien en France jusque dans les années cinquante.
Il suffit de rappeler que Raymond Vanier fut l’un des premiers pilotes engagés par Latécoère en 1919 et qu’il prit part au tout début de l’exploitation (« l’avant-Daurat »…), lorsque rejoindre Malaga relevait de l’exploit. Le grand intérêt de ce récit tient à ce que son auteur fut rapidement nommé chef d’escale en Espagne, tout en continuant à voler régulièrement, et qu’on le suit dans les coulisses de l’exploitation pour découvrir d’autres héros que les figures les plus médiatisées à l’époque.
Après un bref retour en France, il repart pour l’Amérique du Sud dans des conditions encore plus précaires. Ses souvenirs complètent à ce propos ceux d’Henri Delaunay, rassemblés dans le non moins passionnant « Araignée du Soir », et publié à la même époque par le même éditeur. Là encore, hormis la première traversée de l’Atlantique Sud par Mermoz, Gimié et Dabry – qu’il accueille à Natal, c’est plus l’activité quotidienne qui est mise en valeur, dans un environnement politique qui se détériore petit à petit.
Rentrant définitivement en France après la création d’Air France, Raymond Vanier a du mal à trouver sa place au sein de l’organisation de la nouvelle compagnie et il ne manque pas l’occasion qui lui est offerte par Didier Daurat quand est créée la compagnie Air Bleu. « …ma carrière serait surtout postale » écrit-il à ce propos, il aurait pu rajouter « dans les turbulences de la politique… », car ici encore les conflits d’intérêt handicapent une exploitation pleine d’avenir, comme le prouve la suite après une parenthèse de 6 ans de guerre, pendant lesquelles il est affectée aux lignes intérieures françaises, sujet encore plus méconnu que le précédent.
On aurait pu imaginer que les progrès extraordinaires réalisés pendant les hostilités marqueraient dès ses débuts la renaissance de l’exploitation postale après 1945, mais on est sidéré par les résultats obtenus malgré son état de dénuement technologique, même lorsque les DC-3 auront remplacé les Ju 52. Raymond Vanier terminera sa carrière comme chef de l’exploitation de cette Postale de Nuit, qui malheureusement bien des années après lui retrouvera les turbulences de la vie politique…
La prose de Raymond Vanier étant qui plus est bien meilleure que la mienne, inutile d’en dire davantage d’un livre qui mériterait la création d’un « Coup de cœur d’Honneur » ! Merci Monsieur Vanier…
Pierre-François Mary
288 pages, 150 x 240 mm, couverture souple