Vous êtes ici : Bandes dessinées   

Tuskegee ghost [1]

Benjamin von Eckartsberg et Olivier Dauger

« Papa, c’est quoi, la guerre ? » En posant cette question devant une maquette de North American Mustang à la queue rouge, Mark ne s’attend à voir celle-ci détruite au marteau, avec un simple « C’est ça, la guerre ».

Vingt ans plus tard, Mark revient voir ses parents. Il réalise vite que contrairement à la Floride où il vit, l’Alabama n’a guère changé : un Noir qui roule en VW Karmann Ghia avec une Blanche n’y passe pas inaperçu. Et son père continue à se débattre avec ses fantômes d’ancien pilote des Tuskegee Airmen…

Si c’est sa première apparition sur l’Aérobibliothèque, Benjamin von Eckartsberg n’est pas un débutant : il a notamment touché à la science-fiction avec Gung Ho et à la fantasy avec La Chronique des immortels. Pour sa première série aéronautique, il propose un scénario dans les tendances du moment, avec un conflit de générations, une vision sociale d’une minorité opprimée, un traumatisme enfoui… Mais cette histoire apparemment déjà vue est plus subtile qu’il n’y paraît, avec quelques détails réussis et des allers-et-retours bien gérés entre Seconde Guerre mondiale et fin des années soixante*. Les textes sont clairs, malgré quelques cases un peu chargées en phylactères, et l’ensemble se lit agréablement.

Tuskegee_Ghost_Cessna_172.jpg

Le nouveau style de Dauger, très cinématographique, est agrémenté de flous dynamiques réussis.

Aux pinceaux, nous retrouvons un grand habitué de ces colonnes : Olivier Dauger. Il profite de cette nouvelle série pour adopter un style inédit : adieu son trait classique épuré, place aux couleurs directes et aux cases sans cadre. Le rendu est ainsi plus proche de l’illustration (on pense par exemple aux affiches de cinéma des années 1960) que de la bande dessinée, ce qui donne à cet album un ton extrêmement original. Pour autant, les personnages expressifs, les variations d’ambiance colorées et les cadrages dynamiques sont typiques de la BD d’aventures. La « patte » inhabituelle s’accompagne donc d’une lisibilité irréprochable. Les plus pinailleurs pourront toutefois regretter certains détails, comme ce Cessna 172 « Omni-Vision » dont le profil tendu rappelle plutôt les premières versions de l’appareil.

Et puisque nous en sommes à pinailler, notre maître Philippe Ballarini, amateur passionné de folk-rock (entre autres musiques), aurait inévitablement tiqué en voyant la page de garde. La célébrissime chanson The Sounds of Silence date évidemment de 1964 et non 1966 : elle était présente sur le premier disque de Simon & Garfunkel, Wednesday Morning, 3 a.m., deux ans avant l’album Sounds of silence.

Il s’agit toutefois de pétouilles mineures. Ce premier volume de Tuskegee Ghost est entraînant, plus subtil que son ouverture ne le laisserait accroire, et porté par un graphisme inédit. Il devrait donc trouver sa place dans toute bédéthèque aéronautique digne de ce nom.

Franck Mée

* La présentation des Éditions Paquet renvoie au Summer of Love de 1967, mais l’indication de la page 6 place l’action en 1969.


64 pages, 24 x 32 cm, cartonné


Tuskegee_Ghost_p3.jpg

Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet


Tuskegee_Ghost_p4.jpg

Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet


Tuskegee_Ghost_p5.jpg

Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet

Ouvrages édités par
Ouvrages de
En bref

Éditions Paquet

ISBN 978-2-8893-2129-2

19 €