À la fin des années 1930, deux frères draguent la même fille. En 1941, un jeune pilote vole un avion pour rejoindre l’Angleterre. En 1942, le régulateur de pas d’un Hawker Typhoon casse au décollage, entraînant le crash de l’avion et la mort de son pilote. En 1943, un Belge engagé dans la RAF mitraille l’immeuble de la Gestapo à Bruxelles. La même année, un réseau de résistants est démantelé… Tout cela a existé, ici ou là, en Belgique, en France ou en Angleterre. Ce qu’a fait Christophe Gibelin, c’est de les rassembler, des fusionner les personnages, d’unir les événements dans une fiction réaliste commune.
Bien entendu, nous connaissons les multiples talents de Gibelin, scénariste, dessinateur et coloriste des quatre derniers tomes des Ailes de Plomb. Cependant, la bible graphique de cette excellente série policière avait été établie par le dessinateur des trois premiers tomes, Nicolas Barral ; avec Typhoon, c’est donc en réalité la première fois que Gibelin est libre de travailler graphismes et mise en page comme il l’entend.
Le résultat est surprenant : d’un bout à l’autre, les tons froids et désaturés dominent, donnant à l’album une allure inédite et une remarquable unité. Quelques planches traitées différemment, en particulier la double à la légèreté pastel des souvenirs d’adolescence, ressortent d’autant mieux ; elles ne sont pas cependant exclues du récit, Gibelin jouant avec astuce d’une mise en page très libre. Il se permet ainsi régulièrement d’anticiper d’une case sur la planche suivante à la manière d’une bascule séparée entre son et image dans le montage d’un film, ou d’éparpiller ses cases de narration au-dessus d’une large image de fond, ou encore de réaliser des bandeaux à cheval sur deux planches pour mieux entremêler deux séquences en opposition – nous signalerons particulièrement la sublime double planche pp.42-43, construite en échos graphiques et en alternance de couleurs assez remarquables.
C’est paradoxalement peut-être sur le scénario que Gibelin pèche un peu, avec une narration remontant le temps dans la première partie et beaucoup d’interventions littéraires via le journal intime du héros dans la seconde. Cependant, le script regorge de qualités, la première étant de ne pas faire de la formation du héros une promenade de santé ; contrairement à trop de bandes dessinées naïves, sa première rencontre avec une paire de Focke Wulf Fw 190 aurait même pu mal tourner, et le récit met en avant la force d’un grand leader, plutôt que les qualités du personnage principal. Autre point fort : la façon dont reviennent les scènes anciennes en pleine action, qui peut faire penser à Saint-Exupéry et apporte comme une sorte de respiration ; globalement, d’ailleurs, les transitions entre époques et entre séquences sont extrêmement soignées et c’est finalement au fil de petites touches que Gibelin trace le grand tableau de son histoire.
Dans l’ensemble, Typhoon sort ainsi généreusement des sentiers battus et apporte une tonalité originale : vivement le tome 2 !
Franck Mée
48 pages, 24 x 32 cm, relié couverture cartonnée
Les albums de la collection Typhoon
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet