La guerre bouscule particulièrement les existences et cela d’autant plus dans les pays divisés par le sort des armes et de la politique. Et l’Italie fut en cela l’un des pays les plus atteints par la Seconde Guerre mondiale.
Après avoir publié deux tomes en couleurs en 2007, Paolo Raffaelli acheva son triptyque en 2009. Pour le marché français, c’est une version brochée réunissant les trois époques qui nous est offerte en noir et blanc, mettant ces 140 pages de dessin à un prix imbattable. Mais surtout, nous estimons que ce parti pris est plus en accord avec la trame du récit alors que, paradoxalement, bien des cases ont été directement inspirées de clichés en couleurs d’époque (on s’amusera même une fois achevée la première lecture à reprendre les pages pour y chercher ces situations, et pour les plus pointilleux à y jouer aux sept différences – elles sont fort peu nombreuses et pas en flagrante contradiction avec la réalité [la plus grosse semble être la perte d’un MC 202 du fait de la chasse soviétique ; en effet, les cinq appareils qui ne revinrent pas du Front de l’Est furent abandonnés pour cause d’accidents ou de panne majeure]). Mais les nécessités du scénario imposaient cette astuce…
En nous brossant les destins croisés de trois personnages proches, de 1928 à 1980, Paolo Raffaelli illustre avec talent combien la guerre altère les liens sans rien effacer au cœur des honnêtes gens. Son trait, même s’il n’est pas le plus fin, sait capturer avec brio les lignes d’une quinzaine de types d’appareils sous tous les angles. C’est un cours d’histoire contemporaine italienne qui nous serait offert si le choix d’un récit plus linéaire avait été fait. Mais la vie n’étant pas un long fleuve tranquille pour les cousins Umberto et Corrado, les lecteurs moins familiers de ces évènements s’armeront éventuellement d’un crayon et d’un papier mais ne décrocheront pas pour autant de ce récit prenant, même en ses sombres passages. Car dès le début, l’auteur a su nous faire comprendre que la Vie a des ressorts insoupçonnés… et jusqu’à la dernière page, il sait nous les révéler un à un. À tel point que même le lecteur indifférent aux avions y trouve son compte à coup sûr. D’autant plus remarquable vu l’approche moins tape-à-l’œil que bien d’autres ouvrages du même rayon !
François Ribailly
144 pages noir et blanc, 21,5 x 29,2 cm, cartonné
– Coup de cœur de l’Aérobibliothèque 2010
Avec l’aimable autorisation de
© Éditions Clair de Lune