Dans toutes les grandes entreprises comme celle de l’Aéropostale, qui succéda en 1927 aux Lignes Latécoère, il ne subsiste trop souvent que quelques figures de proue, comme Mermoz, St Exupéry, Daurat et quelques autres. Mais bien sûr, ces héros reconnus de l’aventure de La Ligne, où le courrier devait passer coûte que coûte dépendait bien souvent de l’accomplissement de tâches quotidiennes, parfois décisives, accomplies dans l’ombre par quelques individus mus par un indéfectible sens du devoir, une responsabilité rare de tout temps, bref une passion à toute épreuve.
Paul-Henri Dissac est l’un d’entre eux, passionné de techniques nouvelles et d’aventures, une sorte de « geek » de la radio naissante, il passe la première guerre mondiale dans le génie, passe par les Balkans pour se retrouver démobilisé en 1919 … en Russie, à Odessa, où il s’occupait du centre de communication radio. Il s’embarque comme radio dans la marine marchande et se retrouve sur le France. Lors de congés en 1927, il décide d’aller voir ce qui passe du côté de ce qui s’appelait encore les lignes Latécoère… il y passe avec succès le « cap Daurat » sans vraiment savoir à qui il a affaire ! Puis se retrouve radio sur le Revigny, l’un des avisos qui viennent d’être symboliquement rachetés à la Marine pour assurer le transport du courrier entre Afrique et Amérique du Sud avant que la puissance et la fiabilité des moteurs des avions ne puissent les remplacer. Là, dans le port de Cherbourg, ces avisos créés durant la guerre pour servir d’appât aux sous-marins allemand sont en quasi déshérence, dépourvu de toute radio digne de ce nom : tout reste à faire. Et ces bateaux, parfois réarmés avec un équipage douteux, sont peu enclins à des trajets soutenus, répétés et périlleux. Ils sont rapidement sujets à diverses fortunes de mer où la radio et son serviteur, ignorés au départ vont gagner leurs lettres de noblesse en sortant le bateau ainsi que quelques hydravions de plus d’un mauvais pas. Paul-Henri Dissac y fait ses preuves au gré des liaisons FRAME** et AMFRA**. Puis, au gré des reconnaissances et de l’expansion de la ligne, son rêve initial d’aller travailler en Amérique du Sud se réalise.
Nommé d’abord inspecteur d’installations au sol, il accède rapidement au rêve le plus envié : voler ! Il fera équipe avec les plus grands, bien sûr Saint-Exupéry, Guillaumet, Negrin, Étienne, Vannier… pour ne citer que les plus connus. Il était proche de Macaire, un autre radio. Échappant plusieurs fois aux affres du destin, il frôla souvent le pire mais s’en sorti toujours grâce à sa radio « magique » et son attention zélée qui le conduira par la suite à Air-France où il finira sa carrière à Dakar en 1951.
Paul-Henri Dissac était un heureux touche à tout, ses peintures ont meublé ou meublent encore divers bureau d’Air France, et certaines de ses oeuvres sont reproduites dans ce livre qui se lit d’un trait et à qui je ne trouve qu’un seul défaut : celui d’être trop court ! Un livre témoignage d’une aventure, celle de l’Aéropostale, pourtant prolifique en littérature, mais à qui il manquait encore certaines facettes, comme celle que raconte un Paul-Henri Dissac, un pionnier pas si « sans importance » que cela car, au cours d’un vol avec Saint-Ex, où ce dernier était probablement bercé par un « Vol de nuit » qu’il était en train d’écrire, nous devons tous certainement quelque chose à Paul Henri Dissac quant à l’existence du petit Prince !
Thierry Matra
202 pages, 15 x 24 cm, broché
Br>18 photos et reproductions de peintures de l’auteur
* FRAME : Liaison FRance AMErique
*AMFRA : Liaison AMérique FRAnce