Si la trame générale de la première version n’a pas changé, Michel Bénichou a largement modifié le texte de cette nouvelle édition, augmentée et corrigée. En particulier, il y a abandonné un découpage par année, ce qui lui a laissé une plus grande latitude pour traiter de manière globale des événements dans un ouvrage qui, plutôt qu’un récit chronologique – « qui se lit comme un roman », dit probablement à tort la publicité de l’éditeur, se présente davantage comme un essai historique tentant de pointer les bonnes et les moins bonnes décisions prises individuellement ou collectivement par l’aéronautique française au cours des cent dernières années.
La raison de cette démarche, on la trouve explicitée par l’historien Patrick Facon qui signe à nouveau la préface de l’ouvrage: c’est la persistance d’une certaine forme de mythologie aéronautique à travers la bibliographie – même récente – que l’auteur entend démonter ici, comme d’ailleurs il s’y emploie régulièrement dans les colonnes du Fana de l’Aviation.
Toujours dans cette préface, complétée par celle de l’auteur qui y motive la raison de cette nouvelle édition et qu’on lira avec profit comme la première, Patrick Facon constate cependant que l’analyse historique a progressivement pris le relais de cette aspect légendaire et qu’aujourd’hui il est reconnu que « la science, la technique et la technologie, …, sont au cœur même du vol humain ». Outre le fait que ce point de vue nous paraît être encore un peu optimiste, Michel Bénichou nous montre, qu’en fait de technologie, c’est plutôt d’industrie qu’il faut parler, où les décisions humaines sont primordiales, allant souvent à l’encontre de la logique purement technique pour des raisons plus ou moins irrationnelles.
À travers plusieurs chapitres bornés par les deux guerres mondiales, l’auteur se penche sur ce qui lui semble les idées maîtresses de chaque époque. Globalement, les arguments avancés par Michel Bénichou semblent le plus souvent pertinents, en particulier lorsqu’il rappelle quelques vérités techniques incontournables. Ce faisant, il nous fait prendre conscience qu’une Histoire aéronautique faite pour une large part de monographies détaillées, ciselées par des admirateurs de tel ou tel modèle, nous fait perdre de vue la médiocrité et les défauts de conception d’appareils passés à la postérité pour une raison ou pour une autre.
Cependant, on aurait aimé parfois qu’il prenne plus de temps pour détailler des situations complexes, en particulier lorsque la politique se mêle de l’affaire, nous laissant l’impression que le journaliste tente de reprendre le pas sur l’historien. Ici se tient notre principale réserve, mais il faut reconnaître pour sa défense qu’il s’est sans nul doute trouvé prisonnier de la formule et du format de la collection Docavia, quels que soient les mérites et les qualités de celle-ci ; tenter de résumer un siècle « hyperactif » en deux cents pages largement illustrées n’était-il pas une forme de gageure ? Le sujet aurait certainement supporté un ouvrage deux fois plus volumineux, mais n’aurait-il pas risqué de manquer son public ?
La métamorphose actuelle de l’Histoire aéronautique, plus progressive que ne le dit la préface, impose probablement d’en passer par cette étape intermédiaire, et il n’en reste pas moins que ce travail représente un apport important à la bibliographie aéronautique, au milieu d’une production trop souvent « positiviste » et compilatrice parmi laquelle on a souvent des difficultés à faire son choix ; la lecture de cet ouvrage devrait nous conduire à des réflexions utiles, et nous ne pouvons que conseiller à l’amateur avisé de le poser en bonne place dans sa bibliothèque… en attendant une troisième version plus développée dans quelques années.
Pierre-François Mary
208 pages, 25 x 32 cm, couverture rigide + jaquette
1,535 kg
– Docavia n°60
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