Vous êtes ici : Non classé   

Un siècle d’aéronautique et de relations franco-allemandes

Une autre histoire de l’Eure
Collectif, sous la direction de Jean-Michel Guieu

La création, en 2021, d’un escadron bi-national et son installation sur la Base Aérienne 105 d’Evreux-Fauville ont été une étape importante du rapprochement entre la France et l’Allemagne. Cet ouvrage collectif, rédigé sous la direction de l’historien Jean-Michel Guieu, retrace donc un double cours au fil du temps, celui de l’aéronautique ébroïcienne d’une part et, de l’autre, celui des conséquences locales des relations entre nos deux pays, longtemps conflictuelles et désormais apaisées. Le « et » central du titre représente donc la charnière entre ces deux courants, jusqu’à leur confluence finale dans le projet d’unité à double nationalité.

Ce livre, magnifiquement réalisé (dos carré, belle reliure, papier glacé de fort grammage, impression remarquable des photos et documents, parfois en pleine page), est publié par les éditions Pierre de Taillac, éditeur spécialiste des ouvrages militaires. Les vingt auteur(e)s qui ont participé à ce projet, toutes et tous de haut prestige, sont présenté(e)s en fin d’ouvrage, et quatre pages leurs sont consacrées. Au delà de l’intérêt indéniable des textes, on rencontre tout de même ce qui est souvent l’apanage des travaux écrits par une pléiade de personnes puis réunis dans une même œuvre, la redondance de certains sujets. C’est par exemple le cas ici de l’histoire du vol humain, de la coopération franco-allemande, du C 160 Transall, etc. Mais ces répétitions permettent aussi que certains aspects soient ainsi enrichis et complétés. Alors, abondance de biens ne nuit pas !

Les récits sont très propres, bien écrits, et on ne trouve que peu de broutilles à relever (1). Beaucoup des contributeurs et contributrices sont des universitaires, et on apprécie leur habitude d’étayer leurs propos par des notes de bas de page, ici nombreuses. On suppose qu’il ne s’agit pas que de l’évocation de références, mais qu’une analyse critique en a été faite, avant de nous les indiquer. Mais au moins une des « citations » laisse planer le doute à ce sujet (2).

Au point de vue du contenu aéronautique, on aurait aimé quelques éléments complémentaires :
* Jusqu’en 1939, l’acteur principal est l’Aéro-Club de l’Eure. Puis (page 82), « c’est donc un Aéro-Club pleinement confiant en son avenir qui va se retrouver brutalement frappé en plein vol par le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et les heures tragiques de l’occupation allemande… ». Alors, on n’en entend plus parler. On se demande donc ce qu’est devenu ensuite cet aéro-club et où est passé son matériel. A-t-il été réactivé à la libération, a-t-il dû migrer sur un autre aérodrome ?
* Quelle est donc la longueur de la piste ? Page 156, il est mentionné 2,4 km. Page 187, elle est donnée pour 3 km, sans que des travaux d’allongement aient été mentionnés. Page 216, c’est confirmé « près de 3.000 m ».
* Le chassé-croisé des unités ayant rejoint ou quitté la BA105 au fil des années, notamment à partir de la réforme de 2008 et de la fermeture de beaucoup d’autres bases aériennes, mériterait d’être présenté dans un tableau synoptique qui permette de mieux visualiser toutes ces évolutions et transformations d’unités aériennes.
* Enfin, mais c’est certainement un vœu pieu du fait des contraintes de confidentialité liées aux missions militaires, ce serait agréable de trouver, pour illustrer la présence des avions, des récits, même courts, de leur utilisation en conditions réelles.

Au final, il reste surtout un bel ouvrage, très bien illustré, dédié à la création d’un escadron franco-allemand destiné, on peut le supposer, à devenir emblématique.

Avant de rendre la plume, je voudrais saluer amicalement la Base Aérienne 105, et en particulier son ancien Groupement-École 00-306, que j’ai été amené à fréquenter pendant deux mois en décembre 1982/janvier 1983. Ah, les marches de 80 km et le camping en plein hiver dans la neige…
Mais c’est bien loin, et cette lecture m’a permis de me remettre… à l’Eure !

Jean-Noël Violette

Notes :
1) Des coquilles p 12 et 14, une illustration sourcée mais non signée p19 (Beuville peut-être?), un sourire p 99, en 1939 « Il s’agit de perfectionner les jeunes pilotes sur des avions modernes, principalement des Morane-Saulnier MS230 » et une petite remarque p251 « Corine Defrance est alumni… » : alumni est un mot pluriel dont le singulier, certes peu usité, est alumnum.
2) Quelle déception, au milieu de toutes ces références plus savantes les unes que les autres, de trouver citée, très sérieusement, dans un sujet de l’Architecte des Bâtiments de France et cheffe de l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine de l’Eure sur le recensement des vestiges des aérodromes allemands… la théorie des bombes en bois, célèbre élucubration de 2009 qui avait reçu, en nos pages, une volée… de bois vert, et qui avait donné lieu à la recension de cet autre livre.


256 pages, 20,5×28 cm, relié, dos carré, papier glacé de fort grammage

ISBN 9782364451971

En bref

29,90 €

Éditions Pierre de Taillac