Voici un titre évocateur d’un mythe et d’une passion encore vive concernant la disparition non totalement élucidée de Georges Guynemer, le 11 septembre 1917 dans le ciel des Flandres, quelque part au-dessus de Poelkapelle. Le titre reprend en fait la conclusion élogieuse d’Ernst Udet, second as allemand de la première guerre mondiale, dans le récit qu’il fit dans ses mémoires du combat singulier qui l’opposa à Guynemer en juin 1917.
Malgré un sujet maintes fois rebattu au fil des dernières décennies et dont les arguments plus ou moins pertinents semblent ne trouver aucune empreinte historique définitive, ce livre de 88 pages constitue une première, et ce à plusieurs titres. Tout d’abord c’est un livre entièrement bâti autour de la disparition de Guynemer ,agrémenté de quelques pages nécessaires (bien que parfois maladroites) replaçant le personnage dans le contexte de l’époque, puis les divers éléments connus sont discutés souvent de façon contradictoire, notamment les quatre rapports allemands relatant « officiellement » les diverses « observations » et surtout des éléments nouveaux que je me garderai bien de qualifier de faits, qui sont évoqués et discutés : quelle était cette dépouille d’un « important » aviateur français exposé dans une remise durant près de 48 heures à Rumbecke vers la mi-septembre 1917 et devant laquelle plusieurs dizaines d’officiers aviateurs allemands seraient venus s’incliner ? Pourquoi au moins deux fausses tombes portant l’inscription Guynemer sur une hélice ont été retrouvées lors de l’avancée alliée ? Ajoutonsà cela une photo aérienne de Poelkapelle prise le 14 septembre, un moteur, une botte et des restes de sangle, voilà autant d’indices jetées pêle-mêle qui n’ont certainement pas pour but de poser une nouvelle « énigme Guynemer » mais qui représentent une ultime tentative de la part de l’auteur d’obtenir « enfin ? » une réponse à ce qui a pu se passer entre Poelkapelle et Rumbecke côté allemand ? Car si une réponse doit encore poindre d’un horizon de plus en plus éloigné, c’est bien du côté allemand qu’une perche interrogative est tendue !
Luc Vanacker est natif de la région, il est professeur d’histoire à Ypres, auteur de plusieurs ouvrages sur la Première Guerre mondiale, essentiellement sur le théâtre d’opération de Flandre. Il a été en contact avec le fils du « découvreur » du corps de Guynemer, qui décéda en 1969 sans jamais avoir livré aucun entretien d’aucune sorte, certainement une occasion manquée comme il le souligne fort justement, avec beaucoup d’autres, l’épisode du moteur déterré en 1935 mais révélé en … 1991, en étant une de plus.
Mais comme le phœnix renaît de ses cendres, c’est justement à partir d’un autre moteur, un « niome » rotatif celui là, qu’il présente un véritable projet éducatif réalisé de 2006 à 2009 par les élèves de l’École Technique Libre d’Ypres aidés par une équipe de spécialistes slovènes de l’entoilage, à savoir la reconstruction d’un Morane-Saulnier type L dit « Parasol », appareil qui équipa les premières escadrilles de chasse alliées en 1915 et qui fut l’appareil des premières victoires de Roland Garros, Georges Guynemer et quelques autres. Cet appareil a été transporté récemment à Poelkapelle et une volonté existe, au moins outre-Quiévrain, de l’exposer lors du centenaire, à la commune de Septmont, près de Soissons, où Guynemer obtint sa première victoire le 19 juillet 1915.
Mais cette reconstruction, fruit d’une coopération européenne, ne serait-elle pas le véritable et ultime enseignement de cette histoire ? Est-il nécessaire d’entreprendre d’autres vaines tentatives démystifiantes d’un geste épique devenu symbole ? Car comme le dit Sun Tsé dans L’art de la guerre : « Quand il sera rangé comme les cigognes prêtent à s’envoler, gardez-vous d’aller à lui. »
Thierry Matra
88 pages, format 17 x 24 cm, broché
50 photos N&B